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Octobre 2013
LE COCHON, DE LA GLOIRE A L’INFAMIE
Julien LELOUP
Dossier Saveurs interdites , Le Monde des Religions, Septembre-Octobre 2013
Particulièrement apprécié
dans l'Antiquité, le cochon est honni dans les traditions monothéistes.
Pourquoi ?
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Dans
l'Antiquité, le cochon est particulièrement apprécié. Les fermiers égyptiens au
IIIe millénaire avant notre ère, l'élèvent et le consomment
abondamment. Loin d'être méprisé, il est au contraire digne d'être offert en
sacrifice au dieu Osiris. Dans les sociétés païennes (mondes gréco-romain,
germanique, scandinave, celte ou slave), le cochon sacrifié honore les dieux
avant qu'il sustente les vivants. Si sa chair est synonyme de bombance, sa
graisse permet la fabrication de chandelles, son cuir et ses tendons se muent
en cordes d'instruments de musique, et ses soies, en brosses ou en pinceaux.
LES ATTRIBUTS DE SATAN
Malgré la place primordiale qu'il occupe dans l'alimentation carnée,le christianisme médiéval
va peu à peu le rejeter. Que penser, en effet, d'un animal qui fouille en
permanence le sol avec son groin et ne porte jamais ses yeux vers le
ciel ? Ne pas regarder Dieu et dévorer des excréments et des cadavres
d'animaux est jugé très sévèrement. Le porc a tous les attributs de Satan : sa
couleur noire (au Moyen Âge, les cochons ne sont pas encore croisés avec la
race rose venue d'Asie), sa gueule d'Asie), sa gueule ouverte, tel le gouffre
de l'enfer, et sa faible acuité visuelle ne lui permettant pas de voir Dieu, qui est lumière.
L'art médiéval conjugue tous ces attributs (saleté, gloutonnerie,
luxure et colère) pour en faire de l'animal l'image du vice personnifié. Il
symbolise aussi l'homme qui retourne à ses péchés comme le cochon retourne à
son bourbier. Dans le contexte de l'anti-judaïsme de
l'époque médiéval et moderne, on se sert de cet animal honni des juifs pour les
désigner. Du XIIIe au XVIIe siècle, des images montrant
des enfants juifs tétant une truie circulent.
Pour autant, sa consommation n'est pas interdite aux chrétiens. Il
n'en va pas de même dans le judaïsme, où l'interdiction est catégorique. «
Vous ne mangerez pas le porc (…) vous le regarderez comme impur. Vous ne
mangerez pas de leur chair, et vous ne toucherez pas leurs corps morts », selon
le Lévitique (11, 7-8).
De plus, l'animal vivant ne doit pas être touché ni son nom prononcé.
On retrouve ce même tabou dans le Coran, où plusieurs versets sont
consacrés à cet interdit (2, 168 ; 5, 4, 6, 146 ; 16, 16). Il est, en
outre, défendu de consommer la viande d'un animal qui n'a pas été égorgé selon
les prescriptions rituelles. Plus d'un interdit portant sur la chair d'une
espèce en particulier, il s'agit d'un tabou généralisé du sang.
À quoi tient ce rejet du cochon ? Certains ont avancé des
raisons hygiéniques et climatiques. La viande de cet animal, qui se nourrit de
déchets, est difficile à digérer, voire malsaine si elle n'est pas cuite à cœur
ou conservée dans des conditions adéquates.
Pour l'historien Michel
Pastoureau, c'est plutôt la trop grande proximité anthropologique entre l'homme
et le cochon qui expliquerait l'interdit. Manger du porc, c'est être cannibale.
Dans les écoles de médecine du Moyen Âge, rappelle l'historien, l'apprentissage
de l'anatomie humaine passait par la dissection du porc, l'Église interdisant cette
pratique sur les cadavres humains. Autre raison à prendre en considération
selon Michel Pastoureau, le cochon est
un animal hybride : il a le pied fendu comme les ruminants, mais ne rumine
pas.
Or, les animaux « hors catégorie » sont très souvent considérés comme impurs.
Telle serait donc l'histoire du cochon : un animal rejeté, parce
qu'inclassable. ■
POUR ALLER PLUS LOIN ■ Bestiaire du Moyen Âge, Michel Pastoureau (Seuil, 2011). ■ Le cochon. Histoire d'un cousin mal aimé, Michel Pastoureau (Gallimard, 2009). |