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Juillet 2010
CINEMA ET VIEILLISSEMENT
Michel CONDE, Anne VERVIER, Alain DOUILLER
La santé de l'homme N°401,Mai/juin 2009
Introduction
Sujet d’article peu traité. En fin de présentation de
chacun des six films, nous avons surligné le message fort associé. Très intéressant. H.C.
°°°°°°°
Bien vieillir, ce n'est pas seulement bien manger, bouger
plus, boire peu (ou pas?)... C'est en
tout cas ce que le cinéma semble nous indiquer.
Les films abordant la question du vieillissement ne sont pas très nombreux, en
comparaison par exemple de ceux qui
évoquent l'adolescence. Les longs
métrages que nous avons pu repérer parlent essentiellement des relations
sociales et humaines que nos sociétés et que nous-mêmes sommes en capacité ou
en difficulté de faire vivre à l'âge de la vieillesse.... Et si une fois de
plus la lumière des salles obscures nous éclairait utilement??
Gran Torino
Un film de Clint Eastwood,
Etats-Unis, 2008, 1h55
La carrière de Clint Eastwood, acteur et réalisateur, a étonné plus d'un
observateur : icône d'une virilité taciturne dans les westerns spaghettis de
Sergio Leone (Et pour quelques dollars de plus, le Bon, la Brute et le
Truand....) ou dans la série de films policiers de l'inspecteur Harry, il réalise à partir des années 1970 des films
souvent marqués par la nostalgie et l'ambiguité ( Bird en 1986, Sur la
route de Madison en 1995, Mystic River
en 2003,...) . En même temps, il se met lui-même en scène, comme acteur dans
des rôles où son propre vieillissement, loin d'être nié, a une réelle
importance: en cela, sa carrière se distingue notamment de celle de ses grands
aînés du cinéma classique américain (dont on le rapproche souvent), comme John
Ford qui évoque dans nombre de ses films le passage de l'âge mais a travers la
personnalité d'acteurs fétiches (comme John Wayne).
Dans Unforgiven
déjà (Impitoyable, 1992), un western crépusculaire qui semble sonner le
glas du genre, Eastwood, alors dans la soixantaine,
joue le rôle d'un cow-boy veuf, pauvre, vieillissant, qui ne monte plus que
difficilement à cheval. Beaucoup plus ironique et léger, Space
Cowboys (2000), le transforme en retraité de la NASA appelé pourtant à
remplir une mission spatiale que ses collègues plus jeunes sont incapables
d'accomplir. Million Dollar Baby (2005), le voit en entraîneur d'une
boxeuse qui pourrait être sa fille (ou même sa petite-fille) mais qui va lui
renvoyer l'image de l'échec de sa propre vie.
Dans Gran
Torino (2009), enfin, il incarne un veuf retraité que ses enfants veulent
mettre dans une maison de retraite mais qui va s'obstiner à continuer à vivre
seul dans sa maison. Le quartier se transforme cependant et se peuple
d'immigrants notamment asiatiques, ce qui ne manque pas de susciter des
réflexions amères chez cet ancien combattant de la guerre de Corée, ancien
ouvrier de Ford, qui constate que ses concitoyens préfèrent désormais acheter
des voitures japonaises. Il va pourtant se lier peu à peu avec un jeune garçon d'origine hmong (il s'agit d'une
population du Sud-Est asiatique), souffre-douleur des
bandes des alentours....
Hargneux, misanthrope, le vieux
Kowalski semble encore vouloir jouer au justicier, le fusil à la main, mais ce
rappel des rôles anciens de Clint Eastwood apparaît en
fait comme un démenti ou un faux-semblant: l'âge
a changé son regard sur le monde, et la relation aux autres jusque-là méprisés
ou rejetés, devient au final son véritable objectif. La volonté de justice
s'efface alors devant un désir de réconciliation. Comment se réconcilier avec les autres, avec les générations qui le
suivent, avec le monde qui vient, telle semble être cette leçon de fin de vie.
On ne parlera cependant pas de leçon de morale mais plutôt d'un véritable
changement de point de vue (ou de priorités) que provoque ou que permet l'âge
avec le retrait notamment de la vie active.
Les plages d'Agnès
Un film d'Agnès Varda,
France, 2008, 1h50
Agnès Varda, auteur confirmée,
étroitement liée à la Nouvelle Vague, a une réputation qui peut être intimidante
pour certains spectateurs. Parmi ses derniers films, Le Glaneur et la
Glaneuse et Les Plages d'Agnès, lui ont permis néanmoins de séduire
un plus large public.
Les Plages d'Agnès se présente comme un
documentaire autobiographique qui permet à Agnès Varda de passer en revue
quelques grandes étapes de sa vie et
surtout de faire état d'un grand nombre de rencontres, en particulier
celle avec Jacques Demy, son compagnon, disparu trop tôt, en 1990. Plutôt qu'un
récit strictement chronologique, la cinéaste a néanmoins préféré une forme
légère, un collage de moments et de bouts de films qui accompagne sa voix
chaude et enveloppante. Si la mélancolie n'est pas absente, l'humour et la
liberté de ton donnent une étonnante vitalité à l'ensemble. Les plages qu'elle
aime particulièrement y forment
notamment un motif récurrent, tout en lui permettant de subtiles expériences
visuelles.
Loin de toute forme de bilan, le film vagabonde ainsi à travers les
époques avec d'incessants allers-retours entre le passé et le présent, entre
les traces d'une histoire et un travail actuel, toujours intense. A
« quatre-vingt balais » (selon sa propre expression), Agnès Varda
fait face sans détour à l'âge et au passage du temps avec des évocations
chaleureuses (de ses enfants ou de ses petits-enfants, notamment)
et
des moments de deuil; mais elle donne surtout une belle leçon de créativité qui apparaît comme la clé (ou une des
clés) d'une vieillesse heureuse.
Une histoire vraie
Un film de David Lynch
Etats-Unis, 1999, 1h51
Le titre original, comme souvent, est
plus intéressant que sa traduction : « A Straight Story ».
« Straight » se trouve être l'authentique nom de famille du
personnage principal (car il s'agit... d'une histoire vraie, pour aussi
incroyable qu'elle puisse paraître), mais ce terme signifie également
« droit », « correct », « juste ».
Cette histoire peut se résumer en
quelques lignes: Alvin Straight, sémillant vieillard de 73 ans, décide en apprenant l'attaque cardiaque de
son frère, avec qui il est brouillé depuis plus de dix ans, de faire le voyage de l'Iowa jusqu' au
Wisconsin afin de renouer avec lui. Mais, ne sachant pas conduire et ne voulant
ni prendre le car, ni être conduit par quelqu'un d'autre, il va décider
d'entreprendre les quelques 600 kilomètres qui séparent les deux Etats en
utilisant... sa tondeuse à gazon attelée d'une sorte de roulotte de camping!
Alvin décide donc de « prendre
la route à nouveau » pour nous proposer en effet un véritable «
road-movie » si cher à la littérature et au cinéma américains. Le film épouse le rythme de ce personnage et
de ce pèlerinage incroyables; celui lent et fragile d'un vieil homme qui s'aide
de deux cannes pour marcher et se déplace à bord d'un véhicule guère plus
rapide qu'un vélo. Très vite, s'efface le sentiment d'assister à un voyage
bizarre au profit d'une familiarité naturelle avec l'entreprise d'Alvin
Straight, qui déclare que « l'on voit mieux les choses
assis ». Par la fluidité de la mise en scène, le film devient l'espace
arpenté par Alvin. Qu'Alvin soit contraint à la suite d'une panne de revenir en
arrière pour changer de véhicule, le film s'en retourne avec lui. De même,
quand un camion le double et que la violence du souffle d'air fait s'envoler
son chapeau, David Lynch accorde à Alvin tout le temps nécessaire pour arrêter
son moteur, saisir ses deux cannes et aller ramasser l'objet échoué sur la
route, quelques mètres plus haut.
A l'heure de notre frénésie
moderne, des spectateurs pourront trouver ce film exagérément lent. C'est
précisément l'un de ses propos importants que de prétendre que des aspects
importants de l'existence ne se perçoivent qu'avec des retours en arrière, des
pauses, de la patience. C'est sans doute ce que la vieillesse peut apprendre et
que notre vie moderne permet de plus en
plus rarement...
Au terme du voyage, Alvin retrouve son
frère Lyle (poignant Harry Dean Stanton). Nous n'apprenons rien ou très peu de
leur querelle ancienne. Mais, plutôt que
l'effort si singulier de ce voyage, cette tentative de rapprochement si
singulière permet de retrouver le respect et de retisser le lien rompu depuis
longtemps. Si Alvin a fait un tel chemin pour venir le voir, Lyle ne peut pas
faire moins que de l'accueillir, au sens le plus humain du mot.
Mischka
Un film de Jean-François Stevenin
France, 2002, 1h56.
Mischka est
un vieillard oublié par sa famille au bord d'une autoroute. En marchant, il
arrive dans un hospice de Bourgogne, où il est accueilli par Gégène, un
infirmier, lui aussi passablement malmené par la vie. En bisbille avec la
direction, Gégène prend en affection le vieillard mutique et obèse et le
baptise Mischka, comme le petit ours solitaire des
albums du Père Castor. Et c'est ainsi
que débute ce road-movie tout à fait à la française
cette fois-ci et sur les routes de la Bourgogne à la Gironde. Mais le voyage
est capricieux, les rencontres et les hasards se succèdent. Certains
personnages sont mobiles, et feront route avec les deux compères: la jeune Jane
et son petit frère, la bohémienne Joli-Coeur.
D'autres sont sédentaires et seront au centre de certaines digressions du
récit, comme Muller, le copain un peu fêlé de Gégène, autour de qui se met en
place l'une des scènes les plus surprenantes du film, celle où Johnny -Le
Johnny- descend du ciel en hélicoptère pour venir au milieu des champs voir son
vieux pote.
Ces accès d'invraisemblance semblent
affirmer que nos voies les plus fondamentales sont parfois à rechercher hors
des sentiers battus. Jane veut retrouver son père, Gégène se trouver une fille,
et Mischka veut vivre, tout simplement, entouré de
cette nouvelle famille qu'il s'est trouvée sans le vouloir et qui se maintient
autour de lui par une sorte de pouvoir magique de l'amitié.
·
Le film s'ouvre sur les exaspérations
d'un vacancier conduisant sa tribu (épouse, filles et père impotent) vers les
plages de l'Atlantique: personne n'est heureux de son sort, les gens restent
ensemble et rêvent d'aller ailleurs. Les « héros » de Stévenin sont à la dérive, pas à leur place, embarrassés de
leur corps et de rêves qu'ils ont du mal à dire. C'est donc une véritable
évasion que vont réaliser Mischka et Gégène; mais ces
hommes « libres » n'auront de cesse de retrouver des liens avec les
autres. Gégène retrouvera-t-il un père, une fille, puis une femme? Massif, placide, toujours un peu égaré,
mais parfois tellement lucide, le personnage de Mischka
semble incarner ce besoin de lien humain que la vieillesse n'atténue pas. Au
contraire.
Wolke 9- Septième ciel
Un film d'Andréas Dresen
Allemagne, 2008, 1h36
Wolke 9 est
l'oeuvre d'un jeune cinéaste allemand, Andréas Dresen, qui met en scène un couple; Inge, la soixantaine,
et son mari, Werner, un peu plus âgé
qu'elle. Pour gagner un peu d'argent, Inge fait des petits travaux de couture.
C'est ainsi qu'elle rencontre Karl, 76 ans, qui a quelques vêtements à faire
retoucher. Entre eux, c'est le coup de foudre: Inge devient la maîtresse de
Karl. Si ce n'était l'âge, c'est à une histoire d'amour banale que nous
assisterions. Mais précisément, c'est l'âge des protagonistes qui fait toute la
différence.
Amoureuse, Inge entame une double vie:
d'un côté la passion, le plaisir sexuel;
la
complicité muette... de l'autre, le secret, l'affection et la tendresse pour
son mari, entachées de la crainte que toute sa vie bascule. Et, en effet,
alors que la fille de Inge (qui n'est pas la
fille de Werner) apprend avec surprise, certes, mais avec une joie et une
émotion sincères la nouvelle de la passion toute neuve de sa mère, Werner, lui,
n'accepte pas la confession de sa femme et entre dans une colère assez
bouleversante. Finalement, Inge quittera le domicile conjugal pour s'installer
chez Karl, laissant Werner dans un état de dépression irréversible.
Le film se distingue par son réalisme
mais aussi par sa justesse, autant dans les scènes d'amour, montrées sans
fausse pudeur, où l'on voit les corps nus et flétris, que dans les scènes ordinaires (garde un peu
« obligée » des petits-enfants, participation à la chorale, dimanches
en famille, etc …). Mais le plus surprenant est sans
doute la « transfiguration » des amants: Inge se sent comme une jeune
fille; elle rajeunit en vivant cette passion inattendue. Il faut voir son
fou-rire d'adolescente alors qu'elle raconte à son mari une devinette salace
que lui a posée son amant... Il faut voir aussi l'émotion des amoureux lorsque
Inge rejoint Karl à une manifestation sportive à laquelle il l'a invitée, alors
qu'elle avait décidé que leur première relation sexuelle n'aurait pas de suite,
jugeant sans doute déraisonnable une liaison adultère à son âge.
Avec Wolke 9,
Andréas Dresen développe
le thème de la sexualité des personnes âgées mais aborde surtout la jeunesse du
coeur et des sentiments qui ne semblent pas vieillir
au même rythme que les corps. A l'incandescence des sentiments de Inge pour Karl répond la souffrance de Werner, touché par
la jalousie et le sentiment d'abandon. Au final, c'est un regard humaniste et plein de respect porté sur la vieillesse,
qui invite le spectateur de tout âge à dépasser les préjugés et les
stéréotypes.
O'Horten- La Nouvelle Vie de monsieur Horten
Un film de Bent Hamer
Norvège, 2007,1h30.
Bent Hamer, réalisateur norvégien, entreprend de nous conter la
fin de la carrière professionnelle de Monsieur Horten,
conducteur de train. En effet, Monsieur Horten a
atteint l'âge de la retraite et son TGV file pour la dernière fois dans les
immensités glacées entre Oslo et Bergen. Ses collègues des chemins de fer ont
organisé un pot de départ mais l'immeuble dans lequel la réception doit se
tenir est en cours de sablage et Monsieur Horten,
face à un immense échafaudage couvert de bâches, n'en trouve pas l'entrée!
C'est ainsi que commence pour lui une nuit très étrange, pleine de rencontres
inattendues et d'incidents improbables, à tel point que pour la première fois
de sa vie, Monsieur Horten rate « son dernier
voyage » le lendemain matin. Il n'arrive pas à l'heure à la gare, où il
doit, pour la dernière fois, faire le retour vers Oslo.
O'Horten
est une comédie poétique et loufoque sur « la nouvelle vie » qui
commence à la soixantaine, quand s'achève la vie professionnelle. L'existence
de conducteur de train de Monsieur Horten a toujours
été réglée par les procédures et les horaires à respecter. Mais, bizarrement,
c'est lors de sa dernière journée de travail, que celui-ci
« déraille » et se trouve confronté à des situations auxquelles il
n'est pas préparé. Qu'il soit « pris en otage » par un enfant en mal de
marchand de sable, monté dans la voiture d'un monsieur qui préfère conduire les
yeux bandés ou chaussé de bottines rouges à talon appartenant à une femme, Horten vit touts sortes d'évènements absurdes, burlesques
et décalés qui fonctionnent comme les petits signaux d'une vie radicalement
différente à envisager avec de l'insouciance, voire de l'enchantement.
Réjouissant
et optimiste, O'Horten présente la retraite
comme une nouvelle vie, où la liberté est à reconquérir, où les chemins de
traverse sont à explorer. Dans cet espace et ce temps tout neufs qui s'offrent
à lui, Horten découvre la légèreté de l'existence
lorsqu'on est libéré des obligations et des contraintes. Il lie de nouvelles
relations sociales, fait des choses qu'il n'a jamais faites auparavant et va
même dépasser ses peurs pour réaliser son rêve (à moins que ce soit celui de sa
mère...), incarnant ainsi l'idée qu'il n'est jamais trop tard.
Michel
Condé et Anne Vervier
Les
grignoux, Liège, Belgique
Alain
Douiller
CoDES de Vaucluse