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La chasse au drone est ouverte

 

Jean-Michel NORMAND

 

                      M Le magasine  du Monde 15 mars 2014

 

Survol du centre de Nancy  , du Stade -Vélodrome ou de quartier de la Défense… La multiplication des drones de loisir soulève des questions tant sur le plan de la sécurité que de la protection de la vie privée. Et peut mener des pilotes au tribunal.

 

 

Depuis le 25 janvier  , Nans Thomas , 18 ans  , se fait discret . Ce jour-là , ce lycéen a mis en ligne une vidéo à la gloire de sa ville de Nancy. La place de Stanislas vue du ciel sous un soleil d’hiver , saisie par une caméra rasant les bâtiments avant de se figer en surplomb du centre historique . Parmi les quelque 400 000 internautes qui ont visionné ces images que seul un drone peut réaliser , les représentants de la gendarmerie des transports aériens ( GTA)  n’ont pas été des plus enthousiastes. Pour avoir fait survoler par un engin pesant plus d’un kilo une zone où se trouvaient des centaines de promeneurs, le jeune homme est aujourd’hui poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui.

 

 D’autres sont aussi dans le collimateur de la justice. Le propriétaire d’un drone dont la «  présence inopportune »  a été signalée le 5 février à proximité de l’hélicoptère de la gendarmerie venu secourir l’équipage du Luno , le cargo naufragé devant Anglet  ( Pyrénées -Atlantiques ) . Ou encore ce légionnaire venu filmer d’un peu trop prés la tour Eiffel le 18 février et condamné à 1000 euros d’amende dont 500 avec sursis et la confiscation de son joujou. Fin 2013 , un drone errant au dessus de l’aéroport de Montpellier a été saisi , ainsi qu’un autre dont le pilote jouait les «  Baron noir » au-dessus du quartier de la Défense , prés de Paris . Depuis septembre, pas moins de 21 enquêtes judiciaires ont été ouvertes.

 

 L’ apparition  inopinée au Stade-Vélodrome de Marseille , le 7 mars pendant la rencontre OM-Nice , d’un drone inconnu qui est resté de longs instants en vol stationnaire au-dessus du public , pourrait bien allonger sa liste. «  Tout le monde ne peut pas se prendre pour Yann Arthur Bertrand » , prévient-on à la direction générale de l’aviation civile  ( DGAC) .

 

 Destinés  aux applications professionnelles de drones, les arrêtés du 21 avril 2012 n’ont pas anticipé le succès  des mini quadricoptères qui pèsent entre 40 grammes et quelques kilos  et se vendent entre 70 et 1000 euros . Les textes autorisent , sous certaines conditions , les engins de moins de 25 kilos à voler hors des zones interdites  ( proximité des aéroports et zone urbaines , notamment ) .

 

En revanche, s’ il s’agit de filmer ou de photographier , les autorisations nécessaires sont telles que faire évoluer un drone au-dessus de son jardin est ,de facto , interdit . « Tout n’est pas question de réglementation ; les utilisateurs vont s’autoréguler, il ne faut pas s’inquiéter outre mesure » plaide Henri Seydoux , PDG  de la société française Parrot qui a vendu son AR .drone à plus de 5000 000 exemplaires , dont prés de 10%   en France .

 

 Parmi les amateurs, l’inquiétude est néanmoins palpable . « Le cas de Nancy et de la Défense constitue une utilisation potentiellement dangereuse mais la réglementation  est hypocrite » , s’étonne Raphaël , un aficionado qui assure ne faire voler son aéronef «  que dans des zones dégagées et très peu fréquentées » . «  Pour piloter heureux , pilotons cachés » , peut-on lire sur un forum d’Hélicomicrocom . Pour Frédéric Botton , cofondateur de ce site , point de raillement des passionnés , «   il faut malgré tout se réjouir que le débat sur les bonnes pratiques ait été lancé à froid plutôt qu’après un accident qui aurait encouragé les solutions répressives ».

 

Interrogées, les autorités aériennes assurent que la chasse aux drones n’est pas ouverte. « Nous avons évité que des gens fassent voler n’importe quoi n’importe   , mais nous faisons la part des choses face aux utilisateurs de bonne foi qui ne font courir de risques à personne » indique-t-on à la gendarmerie des transports aériens .

 

 Consciente qu’il est devenu nécessaire de compléter la réglementation, la DGAC prépare de nouveaux textes visant notamment «  à définir plus précisément la notion de vol de loisirs » .

 

 De son côté, la commission informatique et liberté s’est emparée d’une autre question que soulèvent ces machines volantes truffées de capteurs et de caméras , celle de la protection de la vie privée . Même si , malgré l’intérêt manifeste que les paparazzis portent aux drones, aucune action en justice n’a pour l’heure , été engagée sur ce motif

                     Jean-Michel Normand