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Janvier 2010
LES NOUVELLES
SOLITUDES. LA CAPACITE D’ETRE SEUL
A partir de son ouvrage
« Les Nouvelles Solitudes »,
aux Editions La Découverte, 2007.
Introduction par Henri Charcosset,
webmestre
Cet article est un extrait des
chapitres12 et 13, partie finale de cet ouvrage, qui mérite une lecture complète.
La solitude nous concerne tous, pour
nous-mêmes, nos proches et nos autres relations.
Nous tenir informés de ses
nouvelles formes est une aide pour rester dans le bain d’une société en mutation rapide, trop
rapide !
« Je ne suis jamais seul avec ma
solitude » Georges Moustaki
La capacité de rester seul
est une ressource précieuse qui permet d’être en contact avec ses sentiments
les plus profonds, de développer son imagination créatrice et de mieux
supporter la perte.
Cette capacité s’acquiert
dans l’enfance. Durant les premiers mois de vie et la petite enfance, l’attachement à la mère ou à son substitut
est essentiel pour la survie de l’enfant.
John Bowlby, psychanalyste à
la Tavistock Clinic de Londres, en observant les enfants qui avaient été
séparés de leur mère par la guerre, avait développé dans les années 1960 sa
théorie de l’attachement. Sa conclusion était que les enfants avaient
essentiellement besoin de nourriture et de chaleur, et la mère, au départ, en
est la source. Faute de mère, ils s’attachent à une mère de remplacement..
Les psychanalystes, en particulier
ceux de l’école anglaise du XXè siècle,
se sont intéressés aux vécus de la séparation.
Le psychiatre anglais Donald W.Winnicot
considérait la capacité d’être seul en présence de la mère comme un signe
important de la maturité du développement affectif : « J’essaie de
justifier le paradoxe selon lequel la faculté d’être seul est fondée sur
l’expérience d’être seul en présence de quelqu’un et ne peut se développer si
cette expérience n’est pas suffisamment répétée. Ce n’est que lorsqu’il est
seul (c’est à dire seul en présence de quelqu’un) que le bébé est à même de
découvrir sa vie personnelle.
Plus tard, un enfant
sûr de la disponibilité de sa mère aura envie d’explorer son environnement
immédiat et de se rapprocher d’autres enfants. Ceux qui ont eu la chance
d’avoir une mère suffisamment présente, mais aussi sachant s’absenter, sauront
supporter la solitude sans angoisse.
Si cet
apprentissage ne se fait pas, en raison d’un traumatisme ou d’une trop grande
fragilité du moi, ce sera la détresse à chaque éloignement et, souvent, une
réelle difficulté d’aimer à l’âge adulte, comme en témoigne Bertrand.
C’est l’ombre portée de mes parents qui
m’empêche d’aimer. Le manque d’amour de mon enfance se retrouve dans mon manque
d’amour actuel. C’est comme un élan qui ne vous a pas été donné au départ.
Notre
attitude face à la solitude imposée par des événements de vie est donc liée à
l’apprentissage que l’on en a fait dans l’enfance.
Quand on y a pas été préparé enfant et qu’on s’y
trouve un jour jeté à cause d’une séparation, d’un deuil ou d’un changement
professionnel, on va alors confondre la souffrance de la séparation et la
solitude. Or, c’est l’absence de l’être aimé qui est douloureuse, pas la
solitude. Si on supporte mal celle-ci,
c’est aussi que l’on nous a élevé dans l’idée que seul le regard
d’autrui nous fait accéder à l’existence, que le bonheur affectif est lié
uniquement à la présence de l’autre.
…...
Des
personnes confondent l’amour et la dépendance. Elles ne peuvent se passer de
l’autre et, aliénant ainsi leur liberté et celle de l’autre, elles souhaitent
en permanence être en sa présence.
Pourtant, le constat est ancien, l’amour nécessite de la distance. Si
l’on est trop près, on ne voit plus l’autre.
Les enfants doivent apprendre qu’amour ne rime
pas automatiquement avec dépendance, apprendre à s’isoler en présence de
l’autre, être capable de jouer ou de dessiner alors que maman fait la cuisine,
être confiant dans l’amour de l’autre, sans vérifier en permanence qu’il est
là.
« Il
vous faut aimer votre solitude »
Pour
avoir une certaine estime de soi, il faut avoir le sentiment que l’on peut être
aimé pour soi-même et non uniquement en fonction des rapports d’intimité.
Quiconque n’existe pas par lui-même souffrira
plus de la solitude et de l’isolement, car cela le confrontera à son vide
intérieur. Accepter la solitude, c’est cesser de dépendre du regard de l’autre
et assumer la responsabilité de ce que l’on est, savoir ce que l’on vaut par
soi-même, compter sur soi et non sur les autres.
Montaigne
recommandait déjà de se déprendre de
l’appropriation des autres : « Faisons que notre contentement dépende
de nous, déprenons-nous de toutes les liaisons qui nous attachent à autrui,
gagnons sur nous de pouvoir à bon escient vivre seuls et y vivre à notre
aise. »
Ce
que confirmait Rousseau : « Tout attachement est un signe
d’insuffisance : si chacun de nous n’avait nul besoin des autres, il ne
songerait guère à s’unir à eux . »
Savoir
être seul permet de s’affirmer, de se plaire suffisamment pour ne plus être
dépendant de l’autre et de son jugement ; ne plus se préoccuper de ce
qu’il pense et, au lieu de le percevoir comme un rival, le considérer comme un
compagnon de voyage.
Pour avoir une relation riche et épanouissante
avec un partenaire, il importe donc de garder une distance suffisante, de ne
pas être dans la fusion. Personne ne peut vivre, aimer ou souffrir à notre
place. Tout au plus pouvons-nous soutenir l’autre, compatir à sa souffrance.
Respecter l’autre, c’est respecter son
identité et son territoire psychique.
En
acceptant d’aller au bout de son sentiment de solitude, on peut explorer ses
ressources personnelles, car c’est à travers les difficultés de la solitude que
se fait l’apprentissage de l’autonomie et de l’amour de soi…..
Il faut donc
acquérir une certaine autonomie, une capacité à ne pas vivre exclusivement à
travers les autres, voire savoir tenir plus à sa liberté qu’à la rencontre avec
les autres…
Disons-le,
on est plus ou moins doué pour la solitude. Certains se sont entraînés dès leur
plus tendre enfance –c’est ainsi que l’écrivain Patrice Modiano, oublié par une
mère égoïste et un père indifférent, placé très jeune en pension, a été d’emblée un enfant solitaire.
D’une façon générale, les personnes qui auront
passé une bonne partie de leur temps toutes seules pendant leur enfance, auront
plus que d’autres la possibilité de développer des capacités créatives et se
tourneront plutôt vers des activités nécessitant de la concentration et de
l’imagination, car cela leur aura permis de développer des qualités
d’observation. Ces mêmes personnes, à l’âge adulte, ne seront pas dans la
nécessité constante de la présence de l’autre,, elles feront passer leur lien
amoureux ou conjugal après leur activité de création. Cela aura également
développé chez elles une grande sensibilité et une plus grande disponibilité à
l’écoute des autres.
Pour
permettre le développement de l’imagination chez un enfant, il faut lui laisser
un espace et du temps pour s’isoler..
La capacité
d’être seul est souvent le fait de personnalités fortes, dont le caractère a
été forgé dans l’enfance, ou bien elle peut avoir été imposée par les
circonstances de la vie, puis acceptée et apprivoisée, pour finir parfois par
être revendiquée comme un choix : ces personnes ont trouvé dans la
solitude une liberté à laquelle il leur est ensuite difficile de renoncer.
Les
expériences de solitude sont aussi des expériences d’apprentissage. Le rapport
positif à la solitude constitue une étape importante de maturation. Cela nous
permet de chercher en nous nos dimensions intérieures et de nous ouvrir à la
création car, quand on est seul, toute sensation, toute pensée se trouvent
aiguisées…..
Accéder à son intériorité
Malheureusement,
trop souvent, l’éducation contemporaine prépare mal à l’autonomie : on
n’apprend pas assez à se suffire à soi-même. A notre époque, de plus en plus de
personnes développent ce que les psychiatres appellent un « faux
self » (un faux moi), c’est-à-dire un mode de fonctionnement destiné à
convenir aux désirs d’autrui plutôt qu’à leurs propres désirs ou sentiments.
Elles sont hyper adaptées au monde moderne, mais n’ont pas acquis les moyens de
faire face à une rupture.
Pourtant,
celui qui a fait l’apprentissage de la solitude sera plus fort face aux
évènements douloureux de la vie, séparations et deuils, tandis que celui qui en
aura été préservé réagira moins bien en cas d’abandon ou de frustration. Et
beaucoup n’ont pas appris que le fait de perdre l’amour de l’autre n’est pas
nécessairement une catastrophe irrémédiable : le simple fait de l’avoir
vécu devrait au contraire aider à s’en remettre.
Certes,
quand on vient de vivre une séparation, il y a d’abord un deuil à faire d’un
couple ou de ce que l’on croyait une histoire d’amour….
Pour emplir leur solitude, certains ont pris
l’habitude de parler dans leur tête à un interlocuteur privilégié. C’est rarement le partenaire quotidien,
mais bien plus souvent un amoureux potentiel à qui on raconte ses aspirations, ses
interrogations et ses doutes. C’est aussi ce qui se passe en psychanalyse entre
les séances : « je lui dirai… » - et même si aucune parole
ne sort pendant la séance suivante, elle s’exprime intérieurement.
Actuellement, faute d’interlocuteurs, de
plus en plus de personnes se font à elles-mêmes ces réflexions intérieures et
prennent du temps pour écrire un journal intime. « Intime » : le
mot est important, car il s’agit d’être attentif à soi-même, non d’une façon
égoïste, mais pour accéder à son intériorité.
Reste qu’une
solitude imposée au départ peut être ensuite aggravée: « Puisque
c’est comme ça, je n’ai plus envie de sortir, de voir des gens ! »
Elle entraîne alors un repli sur soi, un abandon de soi confinant à un état
dépressif. Ces individus rejoignent les pseudo-solitaires qui se plaignent que
personne ne vient à eux, ou plus exactement que personne d’intéressant ne vient
vers eux, alors qu’ils ne vont jamais vers les autres. Ces attitudes de retrait
correspondent à un mépris du monde…..
Parfois,
c’est le manque de confiance en soi qui amène à s’isoler : « Je
tiens mes distances, car je doute que l’on puisse s’intéresser à moi. Les gens
ont mieux à faire que de venir vers moi. »
Lorsqu’on a
vécu toute sa vie uniquement en fonction d’un seul objectif ou d’un seul être,
on peut se retrouver dramatiquement esseulé quand il disparaît. Ceux qui
n’avaient vécu que pour leur travail sont ainsi souvent désemparés à l’âge de
la retraite. De la même façon, les conjoints qui n’avaient vécu que pour l’autre,
s’écroulent en cas de séparation. Ces personnes fragiles sont des proies rêvées
pour les sectes, qui s’appuient sur leur crainte de la solitude afin de les
recruter : « Venez chez nous, vous ne serez plus jamais seul, nous
sommes une grande famille !. »
Et pourtant,
se retrouver seul peut être l’opportunité d’explorer son univers intérieur, car
la réflexion et la maturation ne peuvent se faire que dans une certaine
solitude. C’est ce constat, plus ou moins conscient et assumé, qui amène un nombre croissant de nos
contemporains à choisir de vivre seuls, sans être pour autant coupés des
autres, et à y trouver une nouvelle
plénitude.
Etre disponible aux autres (extrait du chapitre 13)
Le choix de
la solitude n’est pas un refus de l’autre ou une indifférence aux autres, mais
une mise à distance qui, à notre époque
où la mode est la promiscuité, peut être, à tort, interprétée comme un rejet.
Cela n’exclut pas la présence de l’autre, car
si je suis en paix avec moi-même, je me rends plus disponible aux autres :
il s’agit simplement de refuser de se laisser vampiriser par l’autre. Pour être
disponible aux autres, il faut auparavant s’éveiller à soi-même, être en paix
avec soi-même....
On confond
trop souvent le narcissisme avec la solitude, mais le processus est en réalité
inverse : Narcisse est seul parce qu’il est entouré de miroirs qui
l’empêchent de voir ceux qui sont autour de lui. Au contraire, le solitaire
s’appuie sur lui-même. D’ailleurs, Pascal disait : « L’homme
qui n’aime que soi ne hait rien tant que d’être seul avec soi. »
A tort, on
associe la solitude à l’égoïsme et à l’égocentrisme, alors que la vie seul et
en particulier le célibat, peut permettre une ouverture au monde que ne permet
pas la vie de couple. Et la solitude joue parfois un rôle de propulseur pour
aller vers quelque chose d’autre. La difficulté d’établir des relations solides
dans un monde incertain amène les personnes à se replier vers d’autres
aspirations. Le manque, l’échec, la souffrance servent alors de levier pour
progresser. On peut y puiser la force pour inventer d’autres liens.
La capacité
d’être seul, parce qu’elle nous rend disponible à l’autre, nous rapproche de
l’amour, non pas au sens du coup de foudre passager, mais beaucoup plus d’une
communion avec l’autre. Alors que beaucoup s’imaginent que l’amour va mettre
fin à leur solitude, c’est au contraire
la capacité d’être seul qui permet la disponibilité pour l’amour. Quand on
cesse de croire que l’autre va nous réparer, qu’on n’attend plus de lui qu’il
vienne mettre fin à vos angoisses, de nouveaux liens peuvent se mettre en
place.
Les
solitaires sont plus exigeants sur la qualité des relations qu’ils
entretiennent avec les autres. Face à un monde où les rapports humains tendent
à se réduire au travail et au sexe, c’est-à-dire
des rapports d’intérêt et de séduction,
se sont développées de nouvelles
formes de sociabilité, d’autres modes de relations plus intimes, de
solidarité, d’amitié : des relations désintéressées, juste pour le plaisir
d’être ensemble. C’est une façon de se tenir à l’écart de la superficialité des
rencontres éphémères pour privilégier
les amitiés profondes.
Se sont
ainsi crées nombre de petits groupes associatifs non traditionnels pour lutter
contre l’isolement et la précarité relationnelle, des lieux d’échanges
intergénérationnels, des initiatives locales pour créer du lien social. Se
développent également les relations amicales plus solides que les vies de
couple. Elles se poursuivent au gré des différentes étapes de la vie, des changements de couples.
Note de Henri Charcosset
De nouvelles formes de
sociabilité sont clairement apportées par un usage raisonné et raisonnable
de l’Internet.
Chaque personne doit faire sa propre expérience, certes inspirée de ce qu’elle
aura vu faire par d’autres, mais aussi, innovante. Ne sommes-nous pas tous
chercheurs, en ces domaines?
Ce site, avec les relations et contacts qui accompagnent son évolution,
n’a pas du tout pour but de faire école en l’état. Mais si des internautes y
trouvent matière à faire vivre leur propre inspiration, nous en serons
contents.