Sections du site en Octobre 2009 :  Ajouts successifs d’articles -- Sujets d’articles à traiter – Pour publier --  Post-Polio -- L'aide à domicile -- Internet et Handicap -- Informatique jusqu’à 100 ans – Etre en lien -- L’animal de compagnie --  Histoires de vie  --  Donner sens à sa vie – A 85 ans aller de l’avant -- Tous chercheurs -- Liens –Le  webmestre.

RETOUR A LA PAGE D’ACCUEIL : CLIC   AUTEURS, TITRES DE TOUS ARTICLES : CLIC    SYNTHESE GENERALE: CLIC

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Octobre  2014

 

« JE VAIS CHERCHER MON HERBE COMME J’IRAIS ACHETER MA BAGUETTE DE PAIN »

 

Nicolas BASTRUCK, Laetitia CLAVREUL et Luc LEROUX

 

Les fumeurs de joints interrogés par « Le Monde » décrivent une consommation facile, banale.

 

canabis_photo

 

I

ls sont fumeurs réguliers, s’approvisionnent sans difficulté auprès de proches ou de revendeurs, le cannabis fait partie intégrante de leur vie. Pourtant derrière les propos des usagers que nous avons interrogés, pointe une hypocrisie parfois assumée : celle de ne pas vouloir voir, au-delà du plaisir de la consommation, les réseaux délinquants et les dégâts sur la santé que le cannabis peut favoriser.

 

Julie : « Un joint le matin, deux le soir »

Psychiatre en Moselle, Julie, 33 ans, s’approvisionne tout simplement chez son « meilleur ami ». « Il ravitaille d’autres copains en se fournissant lui-même chez une connaissance, bénévolement.  Je me ravitaille aussi auprès d’un autre copain qui a sa propre plantation et en fait profiter les amis à des tarifs inférieurs à ceux du marché ; 6 euros le gramme », raconte-t-elle.

Julie (son prénom a été modifié) serait « incapable » d’aller au contact direct d’un « vrai dealer genre cité ». « Je ne supporte pas cette idée, j’aurais l’impression d’être une droguée. J’assume pas du tout le côté petite bourgeoise qui va chercher son shit chez le gars de la cité qui n’a rien d’autre à faire de ses journées. » ses fournisseurs sont « bénévoles », ils ne « prennent pas de commission ». son budget cannabis « tourne autour de 150 euros ».

Le cannabis et Julie, « c’est une vieille histoire. Ce produit m’a accompagnée durant toutes mes études », confie-t-elle. Elle avoue « fumer tous les jours depuis la terminale ». « Un joint le matin, deux le soir mais jamais très chargés. Un peu plus le week-end. » Dépendante ? « Sans doute. Au moins au moins psychologiquement. Quand je n’en ai pas, ce qui arrive rarement, je suis plus stressée, déprimée ; j’ai tendance à picoler plus »

Envisage-t-elle de décrocher ? « Oui, sans doute. Par contre, je ne sais pas trop comment je vais faire », sourit-elle. Délinquante, elle ? « Il paraît mais je ne m’en rends pas bien compte. En même temps, je ne m’amuserais pas à fumer dans la rue sous les yeux des flics. Tout ça me fait doucement rigoler en même temps, car l’alcool fait des dégâts bien plus importants que le pétard. Je sais de quoi je parle, je soigne des alcooliques tous les jours. »

Est-elle favorable à la dépénalisation ? Elle réfléchit. « J’aurais tendance à dire oui. Mais on est vraiment inégaux devant le cannabis. Ҁa calme l’angoisse, mais chez les gens vraiment angoissés, ça peut avoir l’effet inverse. Un psychotique qui fume, par exemple, c’est la cata, je le vois bien au boulot. »

 

Pierre : « Un plaisir, comme boire du vin »

Marseillais de 30 ans, Pierre adore parler de sa consommation de cannabis. Amateur d’herbe plus que de résine, il est à la recherche de la qualité. Cet électronicien s’approvisionne dans les cités marseillaises, à La Castellane ou à Saint-Mauront. « J’y vais comme j’irais acheter ma baquette de pain. » pour des achats personnels ou groupés avec trois ou quatre amis, mais pas plus. Le prix est fonction de la qualité.  Faire cadeau aux clients d’un briquet ou d’un paquet de feuilles est un geste commercial classique dans des cités marseillaises. Les vendeurs ne sont pas difficiles à rencontrer. « des minots viennent te trouver pour t’indiquer la cage d’escalier et l’étage ». La transaction se boucle en cinq minutes.

Mais depuis quelques temps, Pierre est rentré dans le cercle fermé des clients d’un cultivateur d’herbe, en dehors de Marseille. « Il a choisi d’avoir peu de clients mais des gens de confiance. Ҁa me convient mieux. L’herbe est bio, sans engrais, presque deux fois moins chère. Surtout, ce producteur est quelqu’un de passionné, la rencontre est conviviale. »

D’ailleurs, Pierre n’écarte pas l’idée de passer avec quelques amis à la production. « Il faut du matériel, un local aménagé avec une circulation d’air. On y réfléchit et si on trouve 500 ou 600 euros à investir, on le fera, aussi pour le plaisir botanique. Dans les magasins à Marseille, tu trouves tout ce qu’il faut. C’est plus simple que de faire pousser des tomates. »

Pierre dépend environ 250 euros par mois pour sa consommation, fume seul ou avec des amis. « C’est un plaisir, comme boire un verre de vin en rentrant du boulot. » La veille, il participait, en dehors de Marseille, à la rencontre annuelle de producteurs d’herbe qui soumettaient leur produit à un jury. « Ce sont des soixante-huitards qui organisent ce type de rencontres. On y a croisé une mémé de 75 ans qui a fait tourner son pétard comme tout le monde. »

 

Sébastien : « L’herbe, c’est un gouffre »

Sébastien, 24 ans, serveur, a commencé « comme tout le monde » à fumer à 14 ans. Vivant à côté des cités du nord de Marseille, il avait un accès facile au cannabis. « Lorsque j’avais 17 ans, les dealers m’ont tout pris, la marchandise, mon téléphone. Ҁa m’a calmé. » Le cannabis peut s’acheter partout en centre-vile, mais « il est moins bon, il n’y a pas le choix qui existe dans les cités et il est mal servi ».

Les quartiers Nord, Sébastien y est retourné lorsqu’il a eu une voiture « La Castellane, j’ai détesté : des mecs cagoulés, armés et des vendeurs derrières une grille. » Il s’approvisionne depuis dans une cité du 13e arrondissement, entre midi et deux. « Mais quand je croise les habitants, je suis mal à l’aise, je ne supporterais pas qu’on vende devant chez moi. » Sébastien mesure son « hypocrisie à entretenir un système qui détourne les jeunes de l’école. Ils préfèrent gagner 60 euros à faire le guetteur ».

Sébastien dépense 150 euros par mois dans le cannabis : « L’herbe, c’est un gouffre » Il souhaite décrocher. « Bien sûr que ça me plaît cet état d’apesanteur. Mais je fume tous les jours, parfois durant mes pauses au travail. Il me faut un joint pour commencer ma journée et je sens que ça m’empêche de réaliser certains projets. »

 

Marie : « Ce qu’il y a de plus dur à arrêter »

Le pétard, Marie (son prénom a été modifié), étudiante en droit vivant près de Versailles, vient d’arrêter. Elle aura bientôt 23 ans, dont neuf de consommation de shit. Elle fumait en moyenne dix joints par jour, plus si elle sortait. Quand elle a commencé, en 3e, elle avait pas mal d’amis qui fumaient et elle venait de perdre son père : « C’était une échappatoire, et puis j’ai toujours voulu tout tester. »

Au collège, elle fumait dans les soirées. Au lycée, elle était passée à un joint le matin avant les cours, un dans le parc dans la journée, un dernier le soir « pour dormir ». « J’avais de gros problèmes de concentration, mais comme j’avais des facilités, j’ai eu mon bac S avec mention. »

Marie n’a « jamais eu de mal à trouver de cannabis », n’en a quasiment jamais acheté directement, et n’en a jamais connu la provenance. Au collège, pour les soirées, des amis, des grands frères ou grandes sœurs fournissaient les plus jeunes. Après, son meilleur ami surtout l’approvisionnait. « Au début, la vente, c’était caché, maintenant ils relancent même les clients par SMS, pour leur dire qu’ils ont du bon matos. Même pour la cocaïne, c’est moins caché qu’avant. »

De la « C » comme elle dit, sa mère en a trouvé dans ses affaires en 2013. elle en consommait depuis plusieurs mois. Sa mère l’a mise en contact avec un psychologue qui, contrairement à ceux qu’elle avait déjà vus, lui a correspondu. Le travail qu’elle a fait sur elle-même a permis « un déclic ». « Je grandis, de moins en moins de gens fument autour de moi, cela m’a peut-être aidée, ajoute-elle. Quand on arrête, on se rend compte que ceux qui continuent n’avancent pas, et qu’on a été comme ça. »

La jeune femme n’en revient toujours pas : « Le joint, c’est qu’il y a de plus dur à arrêter, surtout celui du coucher. » Elle croit savoir pourquoi : « C’est ce qui a de plus accessible et de moins cher. »

 

La culture en appartement fait exploser le marché du cannabis

Titre et extrait d’un article de Laetitia Clavreul et Charbie DUFLAN

La demande croissante d’herbe au détriment de la résine marocaine encourage des producteurs qui gagnent 50 000 euros par an pour 10 m2

 

Des risques sanitaires et judiciaires

 

Interpellations En 2011, il y a eu 143 000 interpellations pour usage de stupéfiants en France. Dans 90% des cas, c’est en possession de cannabis que les contrevenants ont été arrêtés. Le cannabis est à l’origine de 70% des interpellations pour trafic et usage-revente.

 

 

 

 

Dangers La sommation régulière de cannabis peut aggraver des maladies psychiatriques comme la schizophrénie. Le cannabis peut provoquer une augmentation du risque suicidaire, de désinsertion sociale, des troubles de l’humeur et de l’anxiété.

 

 

 

 

Sanctions L’usage de stupéfiants peut être puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros. Lorsqu’il s’agit de trafic, les peines encourues peuvent aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité et d’une amende de 7,5 millions d’euros.

 

Prise en charge médicale En 2010, 38 000 personnes ont été reçues dans des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie. Surtout des consommateurs de cannabis.