Entrée sur site en octobre 2015
MESSAGES DU DR
OLIVIER DE LADOUCETTE POUR UN
BIEN VIEILLIR.
Parus dans NOTRE TEMPS entre juin 2014
et juillet 2015.
Ces
messages de Dr Olivier de Ladoucette sont
remarquables de par la diversité des sujets abordés, et de par leur clarté. Ses
ouvrages se trouvent facilement sur Amazon ou bien Decitre.
Henri Charcosset
AIMER
LA VIE |
LE PLUS EST SOUVENT L’ENNEMI DU BIEN |
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Une aura bienveillante entoure les vitamines et plus
généralement les antioxydants issus de notre alimentation. Ces composants
chimiques sont recherchés car ils neutralisent les radicaux libres, qui
endommagent les cellules et accélèrent le vieillissement. Proposés en supplémentations multivitaminiques
aux noms racoleurs, évocateurs de force ou de vitalité, ils figurent toujours
en bonne place sur les étagères des pharmacies. Contrairement aux idées
reçues, ce marché énorme repose bien plus sur l’effet placebo que sur la
réelle efficacité de ses produits. Comment ne pas imaginer que « dynatruc » ou « vitalmachin »
ne puisse avoir de l’effet sur un état de fatigue ou de stress
passagers ! En réalité, |
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sur le long terme ne peut toutefois être recommandée. Des publications très sérieuses ont montré que les seniors qui se « boostent » aux supplémentations multivitaminiques s’exposent à un excès de maladies et majorent leur risque de mortalité. Les réactions biochimiques en chaîne qui permettent d’éliminer naturellement les radicaux libres de nos cellules se comportent un peu comme une équipe de rugby. S’il manque un joueur (carence en vitamines), elle sera renforcée par la venue d’un équipier. En revanche, si l’on introduit un seizième, voire un dix-septième joueur (excès de vitamines) dans une équipe prévue pour quinze, ses performances seront réduites. Mises à part certaines situations particulières, le bon sens recommande de résister à ces pilules attrayantes et de privilégier une alimentation équilibrée qui permet d’éviter en toute sécurité les carences en vitamines et en oligoéléments. Olivier
de Ladoucette est psychiatre et gériatre à
l’hôpital de la Pitié-Salpétrière, |
Notre Temps JUILLET 2014
AIMER LA VIE |
À bon entendeur… |
Admettre une perte auditive n’est pas chose facile. Nous avons tous
en mémoire le fait divers savoureux qui, en novembre 2003, avait opposé
l’Élysée à Roselyne Bachelot, alors ministre de l’Écologie. Cette dernière
avait osé insinuer que Jacques Chirac serait devenu un peu « dur de
la feuille » et qu’elle l’aurait vu appareillé. Ce bavardage
excessif avait été immédiatement démenti, tant la présence d’un appareil
auditif paraissait incompatible avec l’image jeune et dynamique voulue par
l’entourage du président âgé de 70 ans. Cette anecdote pourrait faire
sourire si elle n’était le reflet d’un inconscient collectif, toujours
d’actualité, qui situe le port d’un appareil auditif au niveau le moins
désirable des signes extérieurs de vieillesse. En dépit d’une course à la
performance et à la miniaturisation, seuls 17% des Français de plus de 50 ans
souffrant d’une perte d’audition sont appareillés. Je ne compte plus le
nombre de mes patients qui me disent avoir acheté un appareil et l’avoir
rangé définitivement dans un tiroir après quelques semaines d’utilisation. Parce
que la honte de porter une prothèse auditive subsiste, ce n’est souvent
qu’après des années de descente au silence que la personne se résout à se
faire appareiller… Mais trop tard. En effet, ne sachant s’adapter, le cerveau
perçoit l’irruption de ce nouvel univers sonore comme une véritable
agression. La perte de l’ouïe est pourtant l’un des troubles sensoriels les
plus fréquents. Il touche 50 % des plus de 60 ans et croît avec l’âge.
Jusqu’à atteindre 80 % des octogénaires. Ses conséquences sur la vie
sociale, intellectuelle et affective sont dévastatrices. À titre d’exemple,
nous estimons que le risque de dépression est multiplié par quatre chez une
femme âgée atteinte de trouble de l’audition. Dès lors, il serait dommage
d’ignorer les progrès extraordinaires réalisés dans le domaine des
équipements auditifs. Ce d’autant plus qu’une oreille malentendante déclinera
plus rapidement si elle n’est pas appareillée. ■ |
AIMER LA VIE |
PLAIDOYER POUR LES ANTIDÉPRESSEURS |
Il est habituel, dans
notre pays, de dénoncer les abus de médicaments psychotropes, substances
capables de modifier l’activité mentale. Il est vrai que la France caracole
en tête des pays développés en la matière. À y regarder de près, nous avalons
certes beaucoup trop de somnifères et de tranquillisants, mais nous ne
prenons pas assez d’antidépresseurs. Alors que la France se situe parmi les
pays à taux élevé de suicide, notre consommation d’antidépresseurs arrive au
5e rang européen. Conséquence : un dépistage trop tardif et
un traitement inadapté des dépressions, en particulier après 60 ans. Seule la
moitié des états dépressifs sont diagnostiqués et 50 % de ces dépressions
sont bien soignées. En d’autres termes, un quart seulement des états
dépressifs du senior sont pris en charge correctement. Pourquoi un tel
constat ? D’abord, la dépression n’est pas une maladie comme les autres.
Elle fait honte. Elle peut aussi être incomprise ou ignorée. Trop de
personnes âgées et leur entourage se résignent à la tristesse, pensant que
cet état est associé à la vieillesse. Dans notre pays, les antidépresseurs
font souvent l’objet d’un rejet, voire d’une défiance. Ils sont confondus
avec les tranquillisants, de la famille des benzodiazépines, dont nous
connaissons les risques de dépendance et les répercussions sur la mémoire.
Pourtant, ces molécules, conçues pour guérir les états dépressifs, n’ont rien
à voir. Elles peuvent être arrêtées aisément,ne modifient pas la personnalité et ne
transforment pas la mémoire en gruyère. Enfin, trop de prescripteurs,
ignorants ou pressés, ne voient pas que l’anxiété qui l’accompagne presque
toujours les états dépressifs. Ils donnent un tranquillisant plutôt qu’un
antidépresseur, c’est-à-dire le traitement du symptôme et non de la cause. Au
lieu d’une amélioration de son état en quelques semaines, le malade va
traîner sa peine pendant des mois, voire des années. Quelle tristesse !
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AIMER LA VIE |
VIAGRA : BILAN D’UNE RÉVOLUTION |
Il y a quatorze ans, dans un immense tohu-bohu
médiatique, une petite pilule bleue était révélée au monde. Ses vertus
étonnantes sur la fonction érectile masculine ont déclenché une révolution
sexuelle de la même ampleur que la pilule contraceptive en son temps. En
libérant la parole sur les défaillances sexuelles – en particulier chez les
seniors, les premiers concernés –, elle a permis de faire savoir au plus
grand nombre, contrairement aux idées reçues, qu’il était possible d’avoir
une vie amoureuse à tout âge et même… d’y trouver du plaisir. Après des
générations marquées par la peur et la honte de la sexualité dans la deuxième
moitié de la vie, les débats sur le Viagra et ses produits dérivés (Cialis, Levitra, Spedra) auront contribué à dévoiler des pratiques sexuelles
jusqu’alors assez largement occultées. La levée progressive de certains
tabous a permis aux seniors d’enrichir leur vie intime en vivant plus
librement leur sexualité. Par rapport à l’ère avant Viagra, ils ont plus
souvent un partenaire avec lequel ils ont des rapports plus fréquents, plus
variés et qui leur procure davantage de satisfactions. Au royaume de la pilule bleue, tout n’est pourtant
pas rose. L’utilisation de ce médicament n’est pas sans soulever de nombreux
problèmes, en particulier sur la perte de spontanéité et les soupçons
d’adultère. Aux États-Unis, il est constaté une hausse spectaculaire des
affaires de divorce ayant pour origine une infidélité par le Viagra. S’il a
contribué à améliorer l’image de l’homme âgé sexuellement actif, en revanche,
la femme mûre à la sexualité épanouie doit encore affronter de fréquents
stéréotypes négatifs. Enfin, de nombreux couples ou individus, qui ne
ressentent plus vraiment le besoin de « fréquenter Vénus », se
sentent en porte-à-faux par rapport à un modèle faisant la promotion de la
performance et de la consommation à tout âge. Rappelons le :
le Viagra et ses dérivés sont un moyen et non une fin et, dans le couple, la
sexualité normale est la sexualité dont on a envie… |
AIMER LA VIE |
ÉLOGE DE L’HUMOUR |
« L’humour est la politesse du
désespoir » Cette phrase attribuée à Boris Vian m’est revenue après
avoir passé un week-end chez des amis qui avaient réuni leurs enfants et
leurs parents, tous deux atteints de la maladie d’Alzheimer. La première fonction de l’humour, la plus évidente
pour nous tous, consiste à rire et à faire rire pour se distraire. Cependant,
l’humour va bien au-delà du plaisir et de la détente qui facilitent les
relations et permettent de tisser des liens d’amitié. C’est un puissant
mécanisme psychologique de défense contre les craintes et les souffrances.
Quand l’humoriste Pierre Desproges annonce au public sa maladie par
« plus cancéreux que moi tu meurs ! » ou que Woody Allen
affirme : « Ce n’est pas que j’aie peur de la mort, mais je
préférerais être ailleurs quand cela se produira », ils nous indiquent
la voie pour prendre la distance nécessaire afin de supporter
l’insupportable, et aborder au mieux les sujets délicats et pénibles. C’est sans doute sous la forme de l’autodérision que l’humour se montre terriblement efficace, en révélant le dérisoire, l’absurdité ou le comique des situations les plus difficiles. De victime vulnérable et honteuse, il devient alors possible de reprendre les rênes de sa vie et de donner un sens à certaines épreuves. Loin de disparaître avec le temps, cette capacité à approcher la vie avec humour peut se bonifier avec l’âge. Elle est la preuve d’une énergie vitale conservée et constitue à mes yeux l’une des plus élégantes façons de résister. |
AIMER LA VIE |
DU PSY AU SPI |
Il n’est pas rare de recevoir à ma consultation
des patients d’âge mûr qui s’excusent de venir me parler de ce qu’ils
qualifient « d’états d’âme ». En étant un peu caricatural, pour
cette génération, la souffrance psychologique est en effet souvent considérée
comme un luxe des nantis, générée par une société en perdition et réservée à
des esprits faibles. Mais comment faisions-nous autrefois avant l’apparition des psy ? Les gens allaient parler à un homme ou une
femme d’église. Jusqu’au début de la Première Guerre Mondiale, |
AIMER LA VIE |
GÉNÉR’ HIC |
En ces temps de disette généralisée, rares sont
les occasions de faire faire des économies à la nation sans remettre en cause
les avantages acquis ni perturber notre confort. Il en existe pourtant une accessible à tous :
notre consommation de médica-ments génériques. La
France est le géant européen de la production de médicaments génériques et un
nain pour sa consommation intérieure. À titre d’exemple les ventes de génériques
y sont 2,5 inférieures à celles constatées en Allemagne ou au Royaume-Uni.
Cette défiance coûte des milliards à la caisse d’assurance maladie. En cause
des idées fausses tenaces et l’exercice de la substitution par les
pharmaciens. Pour être mis sur le marché, les génériques sont soumis aux mêmes méthodes d’évaluation rigoureuses
que n’importe quel médicament. Ce sont donc de vrais médicaments avec
la même efficacité et les mêmes effets secondaires que le produit de
référence (le médicament princeps). Seuls diffèrent la présentation et
parfois les fameux excipients.
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AIMER LA VIE |
À STIMULER SANS RÉSERVE |
Les bonnes nouvelles concernant la maladie
d’Alzheimer sont trop rares pour être passées sous silence. Un programme de
recherche multidisciplinaire sur le vieillissement en milieu rural a conclu
récemment à une baisse de 38 % en vingt ans, de la proportion de malades
Alzheimer au sein de cette population. En d’autres termes, à âge comparable,
les habitants de nos campagnes ont aujourd’hui moins de déficits cognitifs
sévères que leurs aînés, vingt ans plus tôt. Cette constatation est liée à
l’amélioration constante et progressive de l’état de santé global et aux
conditions de vie meilleures des plus âgés. Elle est également et peut-être
surtout due à une augmentation significative du niveau d’étude d’une
génération à l’autre. La conséquence en est une meilleure réserve cognitive,
c’est-à-dire un cerveau avec des réseaux de neurones plus denses et mieux
connectés. À en croire les chercheurs, avoir une bonne
réserve cognitive constitue un des plus puissants facteurs préventifs des
maladies neuro dégénératives. Elle est favorisée
par l’éducation, terreau de la curiosité et de l’effort intellectuel. |
AIMER LA VIE |
LA FONTAINE REVISITÉ |
En matière de longévité, il est démontré depuis
longtemps une nette supériorité des femmes sur les hommes. La publication du
dernier bilan démographique de l’Insee établit ce gain d’espérance de vie à
6,2 années. Ce qui nous semble aujourd’hui une évidence a mis des millénaires
à s’imposer. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que l’espérance
de vie féminine a fini par rattraper, puis dépasser celle des hommes. Cet
écart est d’abord d’origine physiologique. Il serait le fruit d’un très lent
processus naturel qui, depuis le temps des cavernes, a sélectionné les femmes
les plus robustes, aptes à survivre à des grossesses répétées et à résister à
une sous-nutrition chronique. Ainsi, au fil du temps, elles ont renforcé leur
système cardio-vasculaire, augmenté leur résistance au stress, aux infections
et au vieillissement tissulaire. La récente amélioration des conditions de
vie, ajoutée au progrès médicaux, a permis depuis un siècle l’expression de
cette supériorité physiologique si chèrement acquise. Elle serait responsable
de 50 % du différentiel de longévité entre les sexes. Le gain d’espérance de
vie dépend pour l’autre moitié de certaines ressources adaptatives
spécifiquement féminines. J’aime à les résumer par cette métaphore empruntée
à La Fontaine : « Les hommes vieillissent comme des chênes, les
femmes vieillissent comme des roseaux. » Les femmes sont plus soucieuses
de leur santé, de leur ligne et des mesures d’hygiène appropriées. Souvent
obligées de se partager entre plusieurs tâches − épouses, mères,
salariées… −, elles développent une grande flexibilité. En cas de
difficultés, elles disposent habituellement d’un réseau relationnel (famille,
amis) plus dense que celui des hommes, avec lequel elles exprimeront plus
facilement leurs émotions. Enfin, en cas de deuil, d’accident ou de maladie,
les femmes s’accrochent davantage à la vie. ■ |
AIMER LA VIE |
ÉLOGE DE LA LENTEUR |
L’expérience se déroule
dans un séminaire à Princeton aux États-Unis. Il est proposé aux étudiants de
travailler sur un texte de l’Évangile en vue d’une courte homélie sur
laquelle ils seront notés. À la moitié d’entre eux, il est demandé de
plancher sur un passage de la Bible sélectionné au hasard. À l’autre moitié,
il est proposé de réfléchir sur la parabole du Bon Samaritain. Tous les
quarts d’heure, l’un des séminaristes est appelé pour prononcer son sermon
dans un bâtiment éloigné. Sur le parcours, à l’insu des étudiants, est placé
devant une entrée d’immeuble un acteur simulant un homme prostré, gémissant,
visiblement en grande difficulté. Les séminaristes furent répartis en deux
groupes. Le premier disposait du temps suffisant pour se déplacer d’une salle
à l’autre. Le second était limité, sous prétexte d’horaires serrés. La
majorité des séminaristes du premier groupe porta assistance au
pseudo-nécessiteux. En revanche, la proportion chuta de moitié dans le groupe
d’étudiants pressés, quel que soit le texte qu’ils devaient présenter. Chez
ceux-ci, la peur d’être en retard avait étouffé toute velléité
d’altruisme ! Cette expérience du Bon Samaritain − un classique de
la psychologie sociale − nous montre l’importance de prendre son temps
pour mobiliser notre fibre compassionnelle. La lenteur qui sied au
vieillissement serait donc propice à l’éclosion de l’altruisme. Ce
comportement constitue l’un des mécanismes protecteurs les plus utiles de
notre équilibre physique et psychologique lorsque nous avançons en âge. Que
de fois pourtant ai-je croisé des seniors toujours pressés qui, par peur de
l’inconnu, s’imposent des emplois du temps surchargés par une multitude
d’activités vides de sens.
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AIMER LA VIE |
L’OBSERVANCE, CLÉ DU SUCCÈS THÉRAPEUTIQUE |
En prenant de l’âge, l’accumulation de maladies
chroniques alourdit de plus en plus les ordonnances. Cette polymédication, souvent légitime, induit de fréquents
effets indésirables, appelés aussi iatrogénie. Elle est à l’origine d’une
hospitalisation sur cinq après 80 ans. Une incompatibilité médicamenteuse ou
des interactions dangereuses sont généralement évoquées. Il n’est plus rare
d’imaginer que cela puisse être la conséquence d’un défaut d’observance. Or,
d’après une étude française, 60 % des hypertendus, 50 % des asthmatiques et 1
diabétique sur 2, pour ne citer que ces pathologies, ne prennent pas
correctement leur médication. Pourquoi une telle indiscipline, en particulier
chez les seniors ? Les causes sont multiples : des erreurs de
prises liées à des défauts de vision ou à des difficultés motrices, des
troubles de la mémoire qui entraînent oublis ou redondances. Souvent, il
s’agit d’un problème de communication. En cause : le médecin qui n’a su
se faire comprendre ou une perte de repères liée à la multiplication des
génériques ou encore la méfiance du patient. Il arrive en effet que ce
dernier modifie à la baisse les doses ou tout simplement s’abstienne après
lecture des inquiétants effets secondaires figurant sur la notice du
médicament. Ajouter à tout cela l’absence de coordination des prescripteurs
et une pincée d’automédication et vous aurez l’explication à ce défaut
d’observance. Les médecins vous diront qu’il n’est toujours aisé de faire le
ménage dans les ordonnances face à une personne demandeuse de traitement. Il
importe donc de hiérarchiser avec soin des prescriptions en fonction des
besoins du moment et de ne pas accepter de renouvellement automatique
d’ordonnance sans l’avoir réévaluée plusieurs fois par an avec son médecin
traitant. ■ |
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