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2050
QUEL AVENIR POUR LES RELIGIONS ?
Le Monde des Religions, septembre octobre 2012
http://www.lemondedesreligions.fr /
Introduction par Henri Charcosset
Le sujet
en titre fait l’objet d’un dossier du Monde des Religions. Cette série de
contributions a pour SOMMAIRE :
Catholiscisme et protestantisme //Un nouveau visage se dessine au Sud - Point de
vue : Jean-Paul Willaime // Orthodoxie - Une
ouverture en demi-teinte // Chrétiens d’Orient - De grands défis en perspective
// Islam - Vers la fin de l’ islam politique // La « marée musulmane » un
fantasme collectif // Hindouisme - Une
pensée en mouvement // Bouddhisme - Une
pratique en évolution // Judaïsme - Deux
scénarios pour une histoire //Minorités religieuses- Un avenir très incertain
// Portfolio - Tour du monde de la foi par le photographe Abbas
Nous reproduisons :
·
Les
métamorphoses de la foi, Editorial de Frédéric LENOIR.
·
« Du
religieux autrement ».Le point de vue de Jean-Paul WILLAIME :
·
La
« marée musulmane » un fantasme collectif, par Raphaël LIOGIER.
·
Le
bouddhisme : une pratique en évolution, par Fabrice MIDAL.
Ces
extraits pourront servir d’entrée en
matière pour se plonger dans un dossier
dont le thème nous interpelle tous.
|
ll
y a une trentaine années, quand j’ai commencé mes études de sociologie et
d’histoire des religions, on ne parlait que de « sécularisation » et la plupart des spécialistes du fait religieux
pensaient que la religion allait progressivement se métamorphoser, puis se
dissoudre, au sein des sociétés européennes de plus en plus marquées par le
matérialisme et l’individualisme.
Le modèle européen s’étendrait ensuite au
reste du monde avec la globalisation des valeurs et des modes de vies
occidentaux. Bref, la religion était condamnée à plus ou moins long terme.
Depuis une dizaine d’années, le modèle et l’analyse se
sont inversés : on parle de « désécularisation », on constate partout l’essor de
mouvements religieux identitaires et conservateurs et Peter Berger, le grand
sociologue des religions américain, constate que « le monde est toujours aussi
furieusement religieux qu’il a toujours été ». L’Europe est dès lors perçue
comme une exception mondiale, mais qui risque à son tour d’être de plus en plus
touchée par la nouvelle vague religieuse.
Alors quel scénario pour l’avenir ? À partir des
tendances actuelles, des observateurs avisés offrent dans le grand dossier de ce
numéro un panorama possible des religions dans le monde à l’horizon de 2050.
Le
christianisme accentuerait son avance sur les autres religions, notamment grâce
à la démographie des pays du Sud, mais aussi par la forte poussée des
évangéliques et des pentecôtistes sur les cinq continents. L’islam continuerait
de progresser par sa démographie, mais celle-ci devrait fortement se ralentir,
notamment en Europe et en Asie, ce qui limitera à terme l’essor de la religion
musulmane qui suscite beaucoup moins de conversions que le christianisme.
L’hindouisme et le bouddhisme resteraient à peu près stables, même si les
valeurs et certaines pratiques de ce dernier (comme la méditation) continueront
à se diffuser de plus en plus largement en Occident et en Amérique latine.
Comme les autres religions, très minoritaires, liées à la transmission par le
sang, le Judaïsme restera stable ou déclinera selon les différents scénarios
démographiques et le nombre de mariage mixtes.
Mais au-delà de ces grandes tendances, comme le
rappellent ici chacun à leur manière Jean-Paul Willaime
et Raphaël Liogier, les religions continueront de se
transformer et de subir les effets de la modernité, notamment
l’individualisation et la globalisation. Aujourd’hui les individus ont une vision de plus en plus personnelle de la religion
et se fabriquent leur propre dispositif de sens, parfois syncrétique, souvent
bricolé. Même les mouvements intégristes ou fondamentalistes sont le produit
d’individus ou de groupes d’individus qui bricolent en réinventant « une pure
religion des origines ».
Tant que se poursuivra le processus de mondialisation,
les religions continueront de fournir des repères identitaires à des individus
qui en manquent et qui sont inquiets ou se sentent culturellement envahis ou dominés.
Et tant que l’homme sera en quête de sens, il continuera à chercher des
réponses dans le vaste patrimoine religieux de l’humanité.
Mais ces quêtes identitaires et spirituelles ne
peuvent plus être vécues, comme par le passé, au sein d’une tradition immuable
ou d’un dispositif institutionnel normatif. L’avenir des religions ne se joue donc pas seulement au nombre des
fidèles, mais aussi dans la manière dont ces derniers vont réinterpréter
l’héritage du passé. Et c’est bien là le plus grand point d’interrogation qui
rend périlleuse toute analyse prospective à long terme. Alors, faute de
rationalité, on peut toujours imaginer et rêver. C’est aussi ce que nous vous
proposons dans ce numéro, à travers nos chroniqueurs, qui ont accepté de
répondre à la question : « À quelle religion rêvez-vous pour 2050 ? » ■
DU RELIGIEUX AUTREMENT Point de vue de Jean-Paul Willaime
La modernité triomphante a laissé place à un régime
d’incertitude, l’ultramodernité, où c’est la
modernité elle-même qui désenchante ses propres enchantements. Sur ce fond
d’incertitude généralisée, on observe une nouvelle configuration du fait
religieux. Certes, en Europe, les institutions religieuses ont définitivement
perdu leur pouvoir d’imposition. Les capacités d’encadrement social et de mise
en forme culturelle de la religiosité sont affaiblies. Mais si le religieux
institué perd en influence, un religieux
diffus n’imprègne pas moins la société. Les religions continuent à offrir
aux individus la possibilité d’inscrire leur existence dans un horizon de sens
et de normativité.
Les sociétés européennes passent d’un religieux par
héritage à un religieux par choix. D’autant que l’offre religieuse se
diversifie. Aujourd’hui, on n’est plus croyant de la même manière. D’une part,
conscient du pluralisme religieux, le
fidèle entretient un rapport moins exclusif avec sa propre religion.
D’autre part, tout en suivant les pratiques de sa religion, il garde son
autonomie de jugement. Pour enrayer cette situation de flottement, des groupes
minoritaires réagissent en défendant l’orthodoxie et l’orthopraxie de leur
religion. Par contrecoup, on constate aussi le réveil de l’athéisme militant.
D’une manière générale, les Européens, et plus particulièrement les Français,
ont du mal à reconnaître ce qu’ils doivent aux héritages religieux. Néanmoins,
les démocraties européennes, en crise de sens et de mobilisation, sont à mon
sens en train de redécouvrir l’apport des religions à une citoyenneté
responsable et solidaire. Les religions contribuent au débat public, notamment
pour les questions bioéthiques et écologiques. Sans que le principe de laïcité
ne soit entamé, elles jouent aussi un rôle dans l’éducation et dans l’action
sociale. A l’échelle individuelle, les religions aident à se situer dans un
monde incertain. Elles fournissent à l’individu des ressources de sens et
d’espérance face aux malheurs du temps.
Je m’inscris en faux contre les
théories de la sécularisation qui prédisent la fin du religieux en Europe, sous
la poussée rationaliste et hédoniste. Deux phénomènes sont à prendre en compte.
Premièrement, l’urbanisation n’est pas synonyme de dissolution de la foi. C’est
la campagne, autrefois garante des traditions, qui enregistre le taux de
désaffection le plus élevé. Et c’est dans les grandes agglomérations urbaines
que le religieux se recompose comme communauté de référence et de lien.
Deuxièmement, alors qu’on aurait tendance à croire que plus on est jeune, moins
on est sans religion, on voit que les nouvelles générations, notamment les plus
diplômées, renouent avec des pratiques religieuses. Les enfants des
baby-boomers sont de plus en plus attirés par des offres religieuses qu’ils
n’ont pas reçues en héritage. Les valeurs matérialistes ne suffisent pas à
orienter leurs choix de vie. Il faut
donc sortir du schéma plus de modernité = moins de religion. Au contraire,
plus de modernité = du religieux autrement. La modernité poussée jusqu’à son
point extrême permet un certain retour du religieux dans la vie démocratique et
sociale. Assurément, la religion a bien un avenir en Europe, mais sous une
forme nouvelle, à la fois décléricalisée, pluralisée, individualisée,
mondialisée et multiculturelle. ■
LA « MAREE MUSULMANE » UN FANTASME COLLECTIF,
Raphaël Liogier
|
On
en a souvent tendance à croire que l’islam est une religion en progression
exponentielle. Pas une semaine ne se passe sans que des débats évoquent une
soi-disant islamisation de la société, en particulier de la société européenne.
La plupart des pays à majorité musulmane
comme l’Iran ou l’Algérie connaissent pourtant une natalité qui les place très
en dessous du niveau de renouvellement des générations. Mais attardons-nous un
peu sur l’Europe puisque c’est elle qui semble concernée par cette « marée
musulmane ».
Taux de
fécondité
D’après une étude de 2007(1) les musulmanes
résidant en Europe connaissent un affaissement de leur fécondité. Si nous
prenons le cas de l’Allemagne et de sa
population musulmane, essentiellement d’origine turque, l’écart de fécondité
avec la population nationale était de 2 enfants par femme, en 1970, il est
tombé à un enfant par femme en 1996. Le taux de fécondité est désormais presque
égal à celui des Allemandes. Il s’établit en tout cas au-dessous du seuil de
renouvellement des générations à 1,9 enfant par femme. Même tendance en Suisse,
en Hollande, en France.
Flux
migratoires
Comme l’indiquent les statistiques de l’Union
européenne, certes le Maroc pays musulman représente le premier flux migratoire
en direction de l’Europe (157 000 personnes par an), mais il est immédiatement
suivi par la Chine (97 000 personnes par an) et l’Inde (93 000 personnes par
an). Il y a globalement plus d’immigrés en provenance de pays non musulmans que
musulmans.
Concernant les conversions, si nous prenons l’exemple
du Royaume-Uni qui serait le pays d’Europe où elles seraient plus massives, et
si nous prenons les évaluations les plus élevées, il y aurait 4 000 convertis
par an (évaluation du think tank Faith
matters), ce qui fait à peu près une personne sur 600
dans un pays de 60 millions de citoyens, aboutissant dans 20 ans; à une
personne sur 300 ; si le rythme des conversion reste le même, le
Royaume-Uni pourrait dès lors devenir un pays à majorité musulmane dans… 6 000
ans.
Rien à voir
avec la progression fulgurante des pentecôtistes dont le nombre a augmenté dans
le pays de plus d’un tiers en seulement 7 ans (34% de progression de 1998 à
2005), selon L’Atlas des religions(2).
Revenons à
la situation mondiale. Selon un rapport du think tank
Pew Reseach Center, la
population musulmane devrait certes continuer çà grimper jusqu’à 2,2 milliards
en 2030, mais de plus en plus lentement : 2,1 % de croissance de 2010 à
2020, et plus qu’ 1, % de 2020 à 2030. Cet écrasement de la courbe de
croissance est particulièrement sensible en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique
du Nord et… en Europe. ■
(1)
Population and Development Review,
vol. 33.
(2)
Nouvelle édition 2011 publié par Le Monde et La Vie.
|
BOUDDHISME UNE PRATIQUE EN EVOLUTION, Fabrice Midal
À l’ère de la mondialisation, la méditation s’étendra en Occident et un bouddhisme nationaliste et identitaire se déploiera en Orient.
|
Que sera le bouddhisme
dans quelques décennies ? Une telle question conduit à s’interroger sur
l’acculturation d’une tradition, phénomène qui n’est pas toujours en rapport à
la vérité spirituelle la plus profonde. Ainsi, le bouddhisme va continuer son
irrésistible développement, même s’il n’est pas sûr qu’une telle croissance
rende justice à la parole du Bouddha.
En Occident,
l’implantation du bouddhisme va se poursuivre. Le phénomène ne cesse, sans
arrêt, de se déployer depuis le milieu des années 1950, quand les premiers
Occidentaux s’y sont engagés. Nous avons connu la vague des années 1970, avec
une soif profonde pour les spiritualités asiatiques qui a conduit
l’implantation du bouddhisme zen et tibétain en Occident, puis du Theravada –
le bouddhisme qui s’est développé en Asie du Sud-Est.
L’essor de la méditation
En un sens
profond bien qu’encore inaperçu, l’Occident est en train de devenir bouddhiste.
Déjà, la majorité des Occidentaux sont plus sensibles aux notions
d’interdépendance et d’impermanence qu’à celle de la création du monde par un
Dieu unique. Et l’homme est plus souvent pensé comme un être qui se situe dans un chaîne de vivants et non comme le gérant de la Terre que
la Bible nous décrit. La crise écologique ne peut que conduire les Occidentaux
à se tourner vers l’explication bouddhique de la place de l’homme dans le
cosmos et du respect de la nature, des animaux. L’assaisonnement de cette
perspective avec les découvertes scientifiques telles que la relativité, la
théorie du chaos et la réflexion de nombreux penseurs sur la complexité, lui
donne une caution qui va peu à peu près devenir la nouvelle doctrine de notre
temps.
La
rencontre des temps nouveaux et du bouddhisme va croître aussi avec
l’exploration scientifique de l’esprit humain, qui devient l’un des champs
majeurs de la recherche actuelle. La découverte de la neuroplasticité
du cerveau est une révolution profonde qui n’a pas encore pris toute son
ampleur, mais qui ne va pas manquer de le faire. Pendant longtemps, les
scientifiques ont expliqué que le cerveau humain était comme un disque dur
d’ordinateur. Si une partie était endommagée, on ne pouvait rien y faire. Or,
nous savons à présent que ce modèle est faux. Nous avons découvert la capacité
des neurones à se remodeler tout au long de la vie. Sur cette base, nombre de
scientifiques ont pu montrer l’importance de toutes les pratiques qui visent à
nous permettre de transformer notre esprit et au premier chef la méditation.
Désormais, elle n’est plus conçue comme une pratique spirituelle, mais comme un
outil indispensable à tout être humain voulant être plus productif. Dans les
années à venir, elle sera ainsi intégrée à tous les aspects de la vie sociale.
Tout y conduit : aussi bien le modèle scientifique qui est devenu
l’instrument de légitimation de la vérité que les défis économiques que nous
allons rencontrer.
Au
milieu du XXIe siècle en Occident, comme ce fut le cas au milieu du
XIXe siècle en Asie, le bouddhisme sera coupé de toute dimension
authentiquement spirituelle.
La
méditation va devenir un outil important pour permettre aux Occidentaux, de
plus en plus stressés par le développement du capitalisme extrême et de la
technologie, de faire face aux défis incessants de productivité. Grâce à elle,
au lieu de rêvasser ou de s’inquiéter, les enfants vont pouvoir apprendre à
l’école de manière plus concentrée, plus efficace. A l’âge d’Internet, des jeux
vidéo, la difficulté à se concentrer devient un problème de santé publique.
Dans les entreprises, le modèle va aussi peu à peu s’imposer. Si ce phénomène
reste aujourd’hui inexistant en Europe, il prend déjà de l’ampleur aux
États-Unis. Un sénateur américain vient de publier un ouvrage expliquant en
quoi la méditation va nous permettre de réduire le stress, d’augmenter nos
performances et de retrouver l’esprit originaire de l’Amérique. Nous y
viendrons aussi en Europe. Et l’un des prochains présidents de la République
française revendiquera de pratiquer la méditation comme gage de son sérieux.
Dans l’armée, elle sera aussi imposée afin de permettre aux militaires une plus
grande concentration, comme on voit déjà apparaître au plus haut niveau, aux
États-Unis.
La disparition du spirituel
En un sens profond bien que resté encore
inaperçu, l’Occident est en train de devenir bouddhiste.
Peu importe ici que cette nouvelle compréhension de la
pratique n’ait rien à voir avec le bouddhisme traditionnel. Nombre de religions
connaissent un développement qui n’est en rien fidèle à leur source. Le
phénomène n’est pas nouveau. Et en Orient, la situation n’est pas différente.
Le bouddhisme n’est depuis longtemps plus qu’un ensemble de rituels mêlés à de
nombreuses autres traditions et superstitions. Les moines qui pratiquaient
sérieusement la méditation n’étaient déjà au milieu du XIXe siècle
plus qu’une infime minorité – à Ceylan, la tradition s’était déjà éteinte à
cette époque. Car traditionnellement, les instructions la concernant n’étaient
pas diffusées dans le grand public, mais seulement un maître à certains de ses
disciples soigneusement choisis.
En 2050, nous
assisterons à un renversement étrange. La méditation, en Occident, sera partout
développée, tandis que la dimension rituelle
aura presque entièrement disparu. On adoptera une conception du monde
profondément marquée par quelques concepts bouddhiques, mais sans vouloir pour
autant se réclamer du bouddhisme, en rejetant même cette dénomination.
L’idée d’une
appartenance à une religion apparaîtra comme périmée. Dans les deux cas, au
milieu du XXIe siècle en Occident, comme au milieu du XIXe
siècle en Asie, le bouddhisme sera coupé de toute dimension authentiquement
spirituelle.
En Orient, le bouddhisme devient de plus en
plus radicalement un élément nationaliste. En raison de la mondialisation et des craintes qu’elles suscitent en
réduisant tout à un immense marché sans âme, des réactions identitaires qui
puiseront parfois dans la religion une partie de leur inspiration vont
continuer à se déployer. Au Sri Lanka, le bouddhisme est déjà utilisé comme
soutien du nationalisme. Le clergé bouddhiste a toujours appuyé les politiques
hostiles aux Tamils hindouistes (population originaire du sud de l’Inde,
anciennement installée au Sri Lanka). À Colombo, le parti politique Héritage
nationale cingalais présente aux élections des bhikkus,
des moines. Son programme : la reconquête au nom du Bouddha.
« Historiquement, ce sont toujours les moines qui ont sauvé la nation cingalaise
de tous les envahisseurs »,
explique l’un des leaders du mouvement, le vénérable Atharalige
Rathana.
Ce nationalisme bouddhique ne va pas seulement être
facteur de violence et de conflits, mais selon les régions et les situations
historiques, il sera aussi au service de la démocratie. En Birmanie, même si
une partie du clergé est soumise au pouvoir qui tente
de contrôler les structures du bouddhisme, les observateurs estiment que la
majorité des moines sont favorables à la démocratisation et encouragent une
résistance sourde contre l’autoritarisme du régime. De même, des informations
régulières en provenance du Vietnam montrent comment des moines, sans s’engager
dans des actions politiques à proprement parler, adoptent un comportement qui
est perçu par le régime comme une contestation de son contrôle.
À côté de ce
rapport « politique » voire « nationalisme » au bouddhisme, nous allons
assister à son instrumentalisation comme identité culturelle et nationale – permettant à des millions de gens de retrouver une
identité dans la mondialisation qui la nie.
C’est déjà
le cas au Japon. Contrairement aux rêves de quelques Occidentaux, le bouddhisme
s’y est éteint depuis 1868, le début de l’ère Meiji où les monastères furent fermés
et la transmission limitée à des successions familiales. La responsabilité
spirituelle est devenue une charge comme une autre. Déjà, au XIXe
siècle, Taisen Deshimaru
ou, Shunryu Suzuki ont dénoncé la disparition du zen
au Japon, qui ne subsiste que dans de très rares îlots. Le bouddhisme sert
d’élément culturel, mais ne constitue un élément de vie spirituelle que dans
peu de monastères.
En 2050, en
Occident, quelques personnes (plutôt rares) iront faire un stage de méditation
afin d’être moins stressées. Et elles découvriront une manière absolument
inespérée de faire la paix avec soi, de développer une authentique tendresse
qui fait se fissurer la carapace qui nous tient lieu d’identité. Simplement en
lisant un texte, certains sentiront la nécessité de donner droit à une immense
compassion. Ils laisseront tout tomber : l’argent, la gloire, le pouvoir…
pour se consacrer à la Voie. Les chemins qui conduisent, aujourd’hui comme
demain, certains êtres à retrouver la source vive sont hors de toute
détermination, comme de toute prévision. ■
POUR ALLER PLUS
LOIN
■
Frédéric Lenoir,
La Rencontre du
Bouddhisme et de l’Occident,
(Albin Michel, 2012)
■ Véronique Altglas,
Le Nouvel
Hindouisme Occidental
(CNRS, 2005)
■ Rick Field,
How the swans come to the lake
(Shambhala publication, 1992)
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