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Mars
2010
BIEN
VIEILLIR : UN CHEMIN VERS SOI
par Flavia MAZELIN SALVI
Psychologies Magazine
« Un chemin vers
soi » par Flavia Mazelin Salvi est un extrait (pages 70 à 74) du
dossier « Dès 30, 40, 50 ans... Bien vieillir, ça s’apprend » de
Psychologies Magazine (Mieux vivre sa vie), n°289, octobre 2009, pages 68 à 89
Au sommaire de ce dossier,
on a entre autre :
« Le vieillissement
peut être une expérience féconde », pages 76 et 77
et
« Nos 6 pistes corps et
esprit », pages 78 à 89
Pas facile de bien vieillir
dans une société qui cultive toutes les valeurs liées à la jeunesse. Pourtant,
cela s’apprend. Ce n’est ni renoncer ni résister, mais accepter de vivre toutes
les étapes en conscience, accompagner les changements et explorer d’autres
facettes de soi.
IDEES CLÉS
- Nous pouvons échapper au culte du jeunisme.
- Bien franchir les étapes de la vie, c’est d’abord bien s’y
préparer.
- L’ouverture
aux autres est l’une des meilleures façons de se sentir pleinement en vie.
« Cet été, quand j’ai
vu Sharon Stone en couverture de Paris
Match1, seins nus, vêtue d’un corset de cuir et de sandales à
talons, déclarant : « J’ai 50 ans, et alors ! », j’ai hésité entre jubilation
et consternation, raconte Maïlise, 44 ans. Jubilation parce que c’est grâce à
ces images que les mentalités évoluent, consternation parce que, dans la vraie
vie, quelle femme de son âge possède ce visage et ce corps parfaits ? » Dans la
vraie vie en effet, les visages portent des rides et les silhouettes des
quinquagénaires ne sont pas celles des top models. Il n’empêche qu’il n’est pas
facile d’échapper au fantasme du « vieillir jeune » dans notre culture qui rêve
de multiplier les centenaires, mais ne supporte pas que les visages et les
corps affichent les marques du temps.
« Nous sommes tous soumis à une logique de performance, estime le
sociologue François de Singly2. Et pour être productif, il faut
rester en superforme. Ainsi la minceur, plus que l’absence de rides, est
synonyme de jeunesse. Si je suis mince, je suis actif; si je suis actif, c’est
que je suis dans la course, j’ai un avenir, je ne suis donc pas vieux. »
Rares sont ceux d’entre nous qui n’essaient pas de rendre moins visible le
passage du temps. Pour ne pas s’exclure de la vie professionnelle, pour
continuer à séduire, pour se sentir mieux dans sa peau. Mathieu, 45 ans, s’est
inscrit à un club de fitness « de manière préventive ». Pour ce professeur
de droit civil, « garder la ligne permet de garder le moral. Rester mince,
tonique, faire cinq ans de moins que mon âge, ça m’aide à envisager l’avenir
plus sereinement, je sens que j’ai un certain contrôle sur ma vie ».
DES DÉSIRS AMBIVALENTS
Garder le contrôle dans une existence aux repères toujours plus mouvants est sans doute
aujourd’hui l’un des désirs centraux lorsque l’on évoque le bien-vieillir.
Louis, 42 ans, a du mal à retenir ses larmes quand il parle du placement de sa
mère, âgée de 74 ans et atteinte d’Alzheimer, dans un institut spécialisé.
« Physiquement, tout va bien pour elle, mais elle ne reconnaît plus
personne et délire à longueur de journée. Vieillir comme ça, ce n’est plus
vivre. Dire que je voyais ma mère, sportive et curieuse de tout, vivre
centenaire entourée de ses dix-huit petits-enfants. »
Vieillir se conjugue différemment au masculin et au féminin. Si la ménopause reste une
étape cruciale dans la vie des femmes, longtemps le rapport au travail a été le
seul critère retenu par les hommes pour mesurer leur rapport au temps : le
vieillissement était alors d’autant plus mal vécu qu’il représentait une
atteinte à la force de travail. Le spectre de la maladie, de la précarité
matérielle et affective, tout cela contribue à nous faire appréhender la vieillesse
comme une épreuve à surmonter, davantage qu’une saison à savourer. Car tel est
le paradoxe de notre temps : notre désir d’une vieillesse synonyme de sagesse,
d’acceptation sereine et de maturité rayonnante télescope nos angoisses
d’insécurité, de solitude et de dépendance physique. À cela s’ajoute
l’ambivalence de notre désir. Christine, 46 ans, se remémore avec tendresse sa
grand-mère qui, à 65 ans, était si jolie « avec son petit chignon blanc,
sans maquillage, et qui sentait la violette et le pain au lait ». Une
grand-mère sage et douce, comme dans les contes des frères Grimm. En théorie,
Christine aimerait offrir la même présence à ses futurs petits-enfants, et ne
surtout pas devenir une de ces grand-mères seniors hyperactives qui « ont
l’air d’être la mère de leurs petits-enfants ». Pourtant, elle n’envisage
pas d’arrêter de sitôt le tennis, les voyages, et encore moins de renoncer au
maquillage ni à ses cours de gym, qui lui assurent une silhouette de
trentenaire. « C’est vrai que je ne me vois « lâcher » que vers 70-75
ans », avoue-t-elle.
Lâcher prise, acquérir plus
de sagesse, gagner en connaissance de soi, concentrer son désir et son énergie
sur les projets qui nous tiennent vraiment à coeur, c’est ce que vieillir peut
nous offrir de meilleur. « Mais nous ne sommes pas préparés à vivre un
temps en mouvement, déplore la psychanalyste Catherine Bergeret-Amselek3.
Le culte de la jeunesse nous pousse à nous figer sur notre image. Or, ce n’est
qu’en assumant l’éphémère, en s’ouvrant au changement, en nous et autour de
nous, que nous pouvons rester vivants. Et cela n’est possible que si nous
acceptons de vieillir.»
LA CONQUÊTE DE SOI
Entre bataille - perdue
d’avance - pour arrêter le temps et résignation amère, l’équilibre est à
trouver. Un équilibre fait d’une nouvelle conscience de soi, et que nous pourrions
appeler « acceptation active ».
« Vers 40-45 ans, le corps, la perception de son image et la sexualité se
modifient, ajoute la psychanalyste. C’est l’âge où nous avons rendez-vous avec
le parent de notre adolescence, la mère pour les femmes et le père pour les
hommes, et que nous pouvons interroger notre héritage. Quel passeport pour la
féminité (masculinité) ma mère (mon père) m’a-t-elle (il) donné ? Ce
rendez-vous nous permet aussi de questionner nos peurs et nos désirs :
voulons-nous vieillir comme notre parent ? mieux que lui ? Nous autorisons-nous
à vivre différemment ? à être nous-même plus que la projection du désir
parental ? Ce travail sur soi est une vraie chance pour résoudre ses conflits
intérieurs. »
Catherine Bergeret-Amselek
considère cette étape comme un processus d’intégration qui permet de
« s’approprier sa vieillesse de manière à ce qu’elle ne soit pas vécue
comme une inquiétante étrangeté, mais, au contraire, qu’elle s’inscrive dans un
sentiment continu d’exister. Prévoir en amont, dans un coin de sa tête, comment
nous aimerions vieillir prépare le terrain et ouvre des portes ». 45 ans, c’est
également l’âge où la vie professionnelle devient celle d’un « senior ».
Où des plus jeunes, remplis d’énergie et d’ambition, cognent aux portes et
remettent tout en question. Michèle Freud4, psychothérapeute et
sophrologue, constate chez ses patients que le temps de la quarantaine est à la
fois celui des bilans, des deuils, mais aussi de la renaissance. A condition de
se donner les moyens de rester du côté de la vie choisie et non subie.
L’une des peurs liées au
vieillissement est celle de « se devenir
étranger », pour reprendre l’expression de l’écrivain et philosophe Jean
Améry5. Changer de visage, de corps, ne plus se reconnaître est une
réelle source d’anxiété. « Pour la majorité des femmes, c’est une période de
vulnérabilité, elles ressentent une grande fragilité face à leur féminité,
explique Michèle Freud. Mais en entamant un travail sur elles, la plupart
découvrent le monde de l’intériorité,
celui de la conquête de soi et du lâcher-prise, elles apprennent à vivre en
phase avec leur désir et développent une conscience accrue de la richesse de
chaque instant. Elles se rendent comptent que, avec l’âge, l’image devient
soluble, qu’il faut inventer une autre façon de vivre avec soi et les autres.
La grande découverte, c’est que plus on a de centres d’intérêt qui nourrissent
l’intériorité psychique, plus on écarte les risques d’effondrement de soi liés
aux contraintes de l’âge. » La psychothérapeute souligne l’importance d’une
relation pacifiée avec son corps : « Le bien-être est un état d’esprit, mais
il est aussi affaire de sensations. Même si nous n’avons pas appris auparavant
à nous faire du bien physiquement, nous pouvons amorcer un processus de
changement. Certaines personnes découvrent, passé la cinquantaine, un corps
dans lequel il fait bon vivre ! » Plus il est habité, respecté dans ses
besoins, accepté dans son imperfection, mieux il accueille le désir et le
plaisir. « Les femmes croient que les hommes ne désirent que les femmes
jeunes, mais c’est faux; ils sont attirés par celles qui assument leur
maturité, leur sensualité, et qui aiment leur vie ! » affirme Catherine Bergeret-Amselek.
UN PAS VERS LES AUTRES
La psychanalyste met en
avant un autre facteur déterminant pour bien vieillir : aller vers les
autres et dans le monde. « Symboliquement, vieillir constitue « un
retour dans la mère », une sorte de régression qui empêche d’être dans la
rencontre sociale ou amoureuse, Il faut donc cultiver le goût des autres, investir son énergie dans la créativité.
Cela exige de se mettre vraiment à l’écoute de soi. » Même conception
chez François de Singly, qui voit dans l’élaboration de projets personnels une
façon de concilier activité, sens et plaisir: « L’un des secrets réside
dans le fait de se donner, alors que l’on est professionnellement actif, des
projets exprimant des modalités de soi qui ne sont pas monnayables sur le
marché. » Activités artistiques, sportives, humanitaires, associatives.
Les possibilités sont multiples, une seule condition est requise: « Que la
compétition existe dans le projet, mais ne l’étouffe pas. » Vivre dans
l’échange, transmettre son savoir, prendre soin de ceux que la vie a moins bien
traités que soi... Autant de voies d’épanouissement qui garantissent non pas
de rester jeune, mais - l’enjeu est autrement plus important - de rester
vivant.
À QUEL AGE EST-ON VIEUX ?
Dès 10 ans, la vue baisse. Mais, bonne nouvelle, l’odorat et le toucher, eux, ne
se dégradent jamais !
A 20 ans, les premières rides apparaissent.
Autour de 30 ans, le sportif devient vétéran. La force physique diminue.
A partir de 35 ans, la fertilité diminue.
Vers 40 ans, les premières pertes de mémoire surviennent.
« VOIR NOS PARENTS VIEILLIR NOUS POUSSE A RENDRE LES
ARMES »
Christophe Fauré,
psychiatre. Christophe Fauré est spécialisé dans l’accompagnement des personnes
en fin de vie, auteur notamment de Vivre
le deuil au jour le jour (Albin Michel, 2004).
«Voir nos parents vieillir,
cheminer vers la fin de leur vie, c’est l‘occasion de cesser de leur demander
une reconnaissance, une réparation qu’ils ne sont plus en mesure de nous
donner. Les voir fragiles, affaiblis, nous aide à comprendre que, désormais,
ils ne changeront plus. Alors c’est peut-être le moment de rendre les armes,
d’accepter qu’ils n’aient pas su ou pas pu agir autrement, d’essayer de
profiter des derniers moments qu’il reste à passer ensemble. Ainsi pouvons-nous
devenir parents de nos parents, développer envers eux une tendresse que nous
n’aurions peut-être pas crue possible quelques années plus tôt. »
Propos recueillis par
Ségolène Barbé.
« J’AI ACCEPTE DE VIEILLIR LE JOUR OU...
mon fils est né »
CELINE, 32 ANS
« J’ai dû attendre
quatre ans avant d’être enceinte, et rester alitée neuf mois avant de devenir
mère. Désir que je nourrissais depuis mes 20 ans. Alors, les signes de l’âge,
depuis la naissance de Baptiste, mon fils aîné, je n’y attache aucune
importance. Cette poitrine diminuée par l’allaitement, ce ventre enlaidi par
des vergetures et des cicatrices de césariennes représentent ma nouvelle
identité de femme qui a eu des enfants. D’accord, je ne porte plus de pantalons
taille basse ni de Bikini sur la plage, mais je me sens plus jolie, plus en
harmonie avec moi-même. Mon mari, délicat et attentionné, m’aide à faire le
deuil de mon corps de jeune fille. Son regard me rassure et me pousse à
entretenir ma féminité : je suis élégante, toujours maquillée. Je n’ai pas
peur de la vieillesse grâce à ma grand-mère qui m’en a toujours renvoyé une
image positive. Je l’ai longtemps connue raffinée, alerte et grande voyageuse.
Dernièrement, après une opération de la thyroïde épuisante, j’ai réalisé que
bien vieillir, c’est aussi prendre du temps pour soi. Auparavant battante et
hyperactive, j’apprends désormais à lâcher prise. »
Propos recueillis par Marie
Le Marois
« J’AI ACCEPTE DE VIEILLIR LE JOUR OU...
j’ai tout envoyé valdinguer »
ANNIE, 46 ANS
« A l’approche de la
quarantaine, j’ai tout envoyé valdinguer : mon mariage, mon travail, le
conformisme ambiant. Cette crise était l’aboutissement d’un long chemin.
J’arrivais à un stade certain de réussite professionnelle et familiale, mais
avec la sensation étouffante de ronronner et d’avoir le nez dans le guidon.
M’étant mariée jeune, jamais je ne m’étais posée. il a suffi que mes enfants
grandissent pour que je me retrouve face à moi, avec des questions
existentielles du style : « Qui suis-je ? », « Qu’est ce que
j’aime ? » Des valeurs en sommeil, plus humaines, se sont révélées. Mon
travail de chargée de communication ne me satisfaisait plus, j’avais envie de
transmettre, d’accompagner et de partager. J’ai repris mes études. Après un
master, je suis devenue formatrice auprès d’éducateurs spécialisés. J’ai aussi
acheté une maison et une voiture en mon nom propre. Mes choix ne sont plus
dictés par les autres, mais par ma seule volonté. Je sais ce que je ne veux
plus. Je savoure chaque jour intensément. C’est incroyable à quel point cette
mutation m’a redonné de l’énergie : j’ai rajeuni, je m’habille comme une femme,
plus comme une mère. Je me sens deux fois plus jolie qu’avant, en harmonie, et,
surtout, je suis très amoureuse.»
Propos recueillis par M.L.M.
A LIRE
Les Renoncements nécessaires de Judith Viorst
La psychothérapeute
américaine retrace le long chemin des « renoncements nécessaires » qui, du
berceau à la tombe, nous aident à avancer, plus sereinement, vers la réalité de
notre propre mort. Un très beau livre qui éclaire la théorie psychanalytique de
façon vivante, accessible, non doctrinale (Pocket, « Evolution »,
2003).
1. Paris Match, du 6 août 2009.
2. Français de Singly a dirigé Sociologie de la
vieillesse et
du vieillissement de Vincent Caradec (Armand colin, « Sociologie », 2008).
3. Catherine Bergeret-Amselek, auteure de La Vie à l’épreuve du temps (Desclée de
Brouwer, 2009).
4. Michèle Freud. auteure de Réconcilier l’âme et le corps (Albin Michel, 2007).
5. Jean Améry, auteur du Vieillissement, révolte et résignation (Payot, 1991).