Sections du site en Octobre 2009 :  Ajouts successifs d’articles -- Sujets d’articles à traiter – Pour publier --  Post-Polio -- L'aide à domicile -- Internet et Handicap -- Informatique jusqu’à 100 ans – Etre en lien -- L’animal de compagnie --  Histoires de vie  --  Donner sens à sa vie – A 85 ans aller de l’avant -- Tous chercheurs -- Liens –

 Le  webmestre.

 

RETOUR A LAPAGE D’ACCUEIL : CLIC            AUTEURS, TITRES DE TOUS  LES  ARTICLES : CLIC         SYNTHESE GENERALE: CLIC

 

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Janvier 2009

 

LE DOSSIER VIEILLIR DE L’ASSOCIATION POUR L’AUTOBIOGRAPHIE APA

 

LA FAUTE Á ROUSSEAU N°44, Février 2007 PP25-64

 

Extraits par Henri Charcosset

 

 

 « La Faute à Rousseau » est la revue de l’Association pour l’Autobioraphie et le Patrimoine Autobiographique, APA, La Grenette, 10 Rue Amédée-Bornet 01500 AUBERIEU en BUGET grenette@wanadoo.fr; http://sitapa.free.fr

 

INTRODUCTION

 

Notre dossier se développera en deux mouvements, écritures de l’expérience, expériences d’écriture, mais le premier degré du témoignage l’emportera nettement sur le second degré de la réflexion critique.

 

AU XXIEME SIECLE

Par Véronique Leroux-Hugon, Vincent Caradec. Vieillir après la retraite, Sociologie du vieillissement PUF 2004

 

Le dernier chapitre propose de définir des usages identitaires du passé : la reviviscence, la confirmation de soi et la reconstruction narrative de soi.

Vincent Caradec note que la reviviscence peut-être recherchée pour le plaisir qu’elle procure, mais aussi évitée, parce qu’inductrice de souffrance. Dans l’entreprise de valorisation de soi, ce sont les engagements passés qui peuvent, par exemple, être utilisés comme appui.

L’auteur analyse le processus de relecture de vie, définissant trois types de reconstructions narratives de soi : le curriculum vitae, les fragments de vie, l’épure de soi.

Résumons ses définitions : dans le CV, les grandes dates de l’existence, les faits marquants sont rapportés de manière linéaire. Les fragments de l’identité narrative sont une succession de mini-récits de soi qui dessinent morceau après morceau le portrait du narrateur ; à l’opposé, l’épure est ramassis, synthétique, comme si l’essentiel de l’existence passé se trouvait résumé en une formule lapidaire et récurrente, un jugement définitif.

Le récit autobiographique est une combinaison entre le CV et les fragments de vie, une mise bout à bout d’anecdotes présentées selon un ordre chronologique ; pour conclure : « Le récit de soi ne se réduit pas aux évènements de sa propre vie : il est l’occasion de tisser le fil qui unit son histoire à des réalités qui la dépassent, de la prolonger au delà de la durée de son existence », de « s’affilier », soit par référence aux membres de sa lignée, ce qu’il appelle l’affiliation identitaire, soit par transmission d’objets personnels ou de récits autobiographiques, affiliation qui vise à conjurer l’angoisse de l’anéantissement, ou affiliation eschatologique.

 

QUAND JE SERAI GRANDE…

Par Marie-Cécile Navet-Gremillet.

 

J’ai 50ans passés, mais je ne l’avoue pas. Je préfère proclamer que j’ai plus d’un demi-siècle… 50ans, c’est le début des réductions… A 50ans, la publicité vous fait une obligation de paraître jeune (c’est donc que vous ne l’êtes plus) et la société commence à vous parler de fin de carrière, de repos (pas encore éternel,  mais on y songe)…

Le demi-siècle, c’est tout autre chose. C’est l’aboutissement d’une lente accumulation, une richesse, un poids ; ça vous donne une certaine autorité. En un demi-siècle, on ne vieillit pas, on prend de la valeur. On devient un monument, pourvu d’un avenir glorieux, au pire celui de la « poésie des ruines ». Très romantique…

On ne se voit pas vieillir. Ce sont les autres qui s’en rendent compte. Sauf nos aînés. Pour mon père… j’ai toujours le même âge : trente ans de moins que lui… Je ne me sens toujours pas une « dame » et je ne me vois pas du tout en « vieille dame ».

         Alors, pour tromper mon angoisse et tenir la déchéance à distance par la dérision, je joue à la vieille dame, avec mes élèves, avec mes supérieurs hiérarchiques plus jeunes que moi. En classe, je dis souvent : « Parles plus fort et articules, tu sais bien que Mémé n’entend pas ! » … Peut-être aussi suis-je en train de me protéger pour l’avenir : le jour où j’entendrai moins bien, je ne serais pas, en même temps, obligée de l’avouer, puisque cela fait déjà partie de mon discours, par jeu. Faire la vieille dame et non pas subir ?... Il y a bien là un refus de vieillir, ou du moins de paraître vieilleOn ne nous apprend pas à vieillir : on prétend seulement nous apprendre à ne pas vieillir ou à l’oublier, à le faire oublier…

J’ai un demi-siècle et le respect dû à mon âge, que je sens chez mes interlocuteurs, me surprend… On m’écoute parce que j’ai, croit-on, de l’expérience… C’est trop drôle. Mais peu à peu l’amusement fait place au sentiment de responsabilité : on m’écoute, donc je ne peux pas dire n’importe quoi. Et il n’y a plus personne pour m’apprendre la sagesse.

Mon demi-siècle en impose ? Reste à être un jour à la hauteur de ce respect indu. Reste à devenir grande, toute seule, et sans savoir si j’aurai le temps d’y arriver.

Vieillir ; c’est peut-être notre dernière façon de grandir.

 

APPRENTISSAGE

Par Marie-Dominique Pot

 

… Enfant donc, j’avais au moins mille ans d’histoire sous mes pas et l’Eternité devant moi. C’était long et bon.

Longtemps, comme tout le monde, je me suis sentie immortelle. Certes, on sait qu’on mourra, mais l’éprouver comme un absolu est une autre histoire. On le sait, mais on n’y croit pas.

A quarante ans, je me sentais jeune, neuve, enfin prête à aborder une maturité active, en pleine possession de moyens laborieusement acquis. Ce fut, inattendue, la maladie chronique, terriblement douloureuse, évolutive, et invalidante. Il faut plusieurs années pour accepter de ne plus marcher, de vivre recluse en se ménageant le plus possible. Cet apprentissage difficile m’a occupé vingt ans…

Soixante ans. La retraite. Retraite de quoi ? Je suis retirée de tout depuis belle lurette. J’ai toujours été précoce. La vie est passée comme une flèche. «Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard », Aragon en a fait l’expérience avant moi.

Pour mes neveux et nièces, je suis vieille et même ringarde.

Tout ce que j’avais cru pouvoir leur transmettre, acquis pour eux autant que pour moi, n’a plus cours. Dans une grande naïveté, depuis l’école primaire, j’avais pensé la vieillesse comme sagesse, accumulation de biens culturels à répandre, plénitude, sérénité…

Or, dans une société qui souffre de jeunite aigüe… la vieillesse se porte sous le manteau en rasant les murs. Le modèle à assumer est : gym, régime, voyages à tout crin, bénévolat tous azimuts… Très peu pour moi.

Je suis grosse, obèse (impossibilité de marcher et cortisone) comme une championne de sumo, égoïste, pas attirée par les destinations humanitaires. J’aime le sucre, la broderie et le crochet, les dentelles, les occupations de vieux, la lenteur, la méditation, Socrate, etc. Tout pour déplaire.

Je rêve des vieillards rencontrés dans mon enfance qui, déjà, me plaisaient tant : paysans avec des bacchantes blanches, les mains désormais inertes…, inutiles, inoccupés, inertes, silencieux… On les appelait « le père Untel »

Partir, détaché, dépossédé, être assis sur une chaise de paille au pas de la porte et au soleil… emmailloté en chrysalide, pour rejoindre l’Inconnu des mythes.

Quelle belle vie ce fut, et quelle aventure que cette mort dont personne ne sait rien, même ceux croyants ou athées qui affirment leurs certitudes !...

 

VIEILLIR EN DEVENANT JEUNE

Par Charles Juliet

 

Depuis trois mois j’ai soixante douze ans, mais, épargné jusqu’à maintenant par la maladie et les désagréments qui auraient pu apparaitre, je peux dire que mon âge n’est pas pour moi une préoccupation.

Alors qu’ai-je perdu ? Sans doute ma vitalité et ma résistance à la fatigue ne sont plus les mêmes…

C’est sur un autre plan qu’il m’a fallu noter une régression. Il arrive maintenant que je sois parfois trahi par ma mémoire

Fort heureusement, les gains me paraissent plus nombreux et plus importants que les pertes.

Picasso estimait qu’il faut un long temps pour devenir jeune. C’est ce que j’ai pu vérifier. Ma jeunesse n’a été que confusion, ennui, détresse… Ainsi à l’angoisse, à la lourdeur, à la grisaille se sont progressivement substitués une quiétude, un profond bonheur d’être, une clarté qui ne s’éteint plus.

Je n’ai jamais été précoce, et il m’a fallu atteindre la soixantaine pour pouvoir jouir de cette maturité tant attendue. Et formidable surprise, à la faveur de ce qu’elle m’accordait, je suis enfin devenu jeune. Liberté et jeunesse auxquelles je n’avais jamais goûté et qui furent d’autant plus appréciées.

Fréquemment, mes réactions et comportements ne correspondent guère à ceux que je devrais avoir. Nul esprit de sérieux. La spontanéité et le plaisir de vivre se donnent libre cours…

Quoiqu’il en soit, il est évident qu’un cœur qui reste jeune et continue de savourer la vie, est le meilleur rempart contre l’insidieuse venue de la vieillesse.

Dans mon cas, ce rempart est fortifié par la passion qui me tient. La nécessité d’écrire s’est emparée de moi quand j’avais vingt-trois ans. Après quelques années, j’ai découvert que cette nécessité était devenue une passion. Passion pour l’écriture, pour la réflexion, pour ce travail intérieur qu’implique la quête de soi… Cette passion qui m’a permis de traverser des périodes difficiles, elle n’a jamais fléchi, ne m’a jamais abandonnée.

Quand j’étais jeune, j’étais vieux, usé par un combat intérieur dans lequel se combinait toute mon énergie. Chaque jour qui commençait était une épreuve. Devenu vieux, et dans le même temps indubitablement devenu jeune, l’énergie abonde, et chaque jour qui commence est abordé avec plaisir. Chaque jour me réjouit de ce qui m’est donné.

 

MATISSE, UNE SECONDE VIE

Par Bernard Massip

 

C’était le titre de la très belle exposition que le Sénat a consacré en 2005 dans son Musée du Palais du Luxembourg à la production tardive de Matisse.

1941, Matisse a 72 ans. Il est atteint d’un cancer des intestins. Il subit une lourde opération. Sa convalescence est lente, difficile, il doit rester alité plusieurs mois, puis est contraint de travailler en fauteuil roulant. Il apparait comme un vieillard dont la vie, la création sont derrière lui.

Et pourtant ! Matisse a encore quatorze années de vie devant lui, cette période sera celle d’une créativité nouvelle, d’un renouvellement profond de sa matière, d’une accession à une liberté d’expression inédite. Les contraintes qu’impose une santé défaillante ne brisent en rien l’essor de la création. On a même le sentiment que celle-ci prend appui sur ces contraintes pour trouver des modes d’expression nouveaux.

         Après avoir frôlé la mort, Matisse a le sentiment que ce temps supplémentaire qui lui est imparti doit être utilisé à plein… Il le perçoit comme le temps d’un accomplissement possible, celui d’une maturité parfaitement libre, où il n’a plus aucun compte à rendre à personne, où il se sent dégagé de toutes les influences artistiques précédentes comme de toutes les contraintes liées à des commandes obligées. « Je peux enfin, dit-il, travailler à ma guise ».

         La variété des productions de cette « seconde vie » est impressionnante… Il s’agit désormais d’aller à l’essentiel. Matisse veut partir de sa sensation immédiate, traduire cette sensation par le trait, la forme, la couleur. Mais autant la sensation est immédiate, autant son rendu est le produit d’un travail acharné, parfois jusqu’à l’épuisement : mais c’est ce travail qui le porte. Les dessins se construisent sous forme de variations à partir d’une matrice première, reprise sans cesse avec une énergie jamais en défaut…

         L’art, la création, c’est de la vie pure, l’art n’est que cela et l’artiste réussit lorsqu’il parvient à être ce médiateur, lorsqu’il parvient à nous faire ressentir, à nous qui contemplons ce qu’il a crée, cette puissance de vie qui est en lui.

 

NOTE

 

Ce dossier Vieillir de l’APA comprend bien plus de contributions, sous forme d’articles courts. C’est toute vie qui mérite de laisser trace écrite dans l’histoire de l’humanité. Alors quand bien même n’aurions-nous pas la plume aussi facile et brillante que les adhérents APA, devons-nous laisser des marques de notre passage sur cette terre.